Michal Zekry était née en Israël. Messod Wizman, au Maroc. Ils étaient tombés amoureux à Montréal. Depuis quelques années, ils vivaient à Shanghai. Jeudi, c'est à Marrakech que les jeunes parents ont trouvé la mort, dans le terrible attentat terroriste qui a frappé le coeur de la médina.

Les deux anciens Montréalais s'étaient rendus au Maroc pour célébrer la Pâque juive au sein de la famille Wizman, originaire de Casablanca. Ce jour-là, ils ont confié leur fils de 3 ans, David Yosef, aux grands-parents pour aller se balader à Marrakech.

Peu avant midi, ils se sont attablés à la terrasse du café Argana. Peut-être parce qu'elle offrait la plus belle vue de la célèbre place Jamaâ el Fna, patrimoine mondial de l'UNESCO. Autour d'eux, la plupart des tables étaient occupées par des touristes occidentaux.

Et puis, tout à coup, l'horreur. Un bruit sourd, une colonne de fumée noire. La devanture du café soufflée par l'explosion. Les tables et les chaises de la terrasse renversées. Des corps démembrés évacués des décombres. Quinze morts, dont Messod Wizman, 32 ans, et Michal Zekry, 30 ans.

La jeune mère était enceinte de quatre mois.

Le ministère canadien des Affaires étrangères n'a confirmé la mort que d'un seul ressortissant, hier. Il s'agit probablement de Mme Zekry, qui a habité Montréal presque toute sa vie. Il y a quelques années, elle avait suivi son mari en Chine, où ce dernier s'était lancé en affaires.

Toujours pas revendiqué

L'attentat n'avait toujours pas été revendiqué hier. En frappant la place Jamaâ el Fna, les terroristes se sont attaqués à un symbole marocain. C'est le coeur historique de la ville, qui attire des masses de touristes avec ses conteurs, son souk coloré et ses charmeurs de serpents.

L'attentat risque de bousiller la saison estivale, qui avait déjà démarré fort timidement: les touristes redoutent les destinations du Maghreb et du Moyen-Orient depuis le début du «printemps arabe».

Pire encore, cet attentat - le plus meurtrier depuis celui de mai 2003, qui avait fait 45 morts à Casablanca - risque de freiner les réformes démocratiques promises par le roi Mohammed VI dans l'espoir de rester à flot dans la tempête arabe.

Comme après chaque attentat, une vague de répression risque maintenant de déferler sur le Maroc, prévient le politologue Sami Aoun, de l'Université de Sherbrooke. «Ce serait faire fausse route. Plus un régime se verrouille, plus cela attise la violence. On l'a vu en Égypte. L'approche sécuritaire peut jouer contre le pouvoir en place. En retardant les réformes, il risquerait de nourrir la colère populaire.»