Plus de 200 personnes ont été tuées dans les émeutes qui ont suivi la présidentielle au Nigeria, a annoncé mercredi une ONG, alors que le grand perdant, Muhammadu Buhari, exigeait la fin des violences tout en dénonçant de graves fraudes électorales dans le Sud chrétien.

«Le bilan des morts dépasse les 200 dans toute la région, d'après les informations qu'a reçues Civil Rights Congress», a déclaré son chef Shehu Sani, évoquant les émeutes qui ont secoué pour l'essentiel le Nord du Nigeria.

Plus de mille personnes ont été arrêtées dans la seule ville de Kaduna, où un couvre-feu de 24 heures sur 24 est en vigueur, a ajouté le responsable de l'ONG.

Les autorités ont déjà déclaré que les violences avaient fait des morts entre communautés musulmanes et chrétiennes mais sans donner de bilan pour ne pas attiser l'engrenage des représailles. De nombreux corps ont aussi été brûlés ou jetés dans des puits, rendant le bilan difficile.

La Croix rouge a fait état de «nombreux morts», de plus de 400 blessés et près de 40 000 déplacés qui ont cherché refuge auprès de la police et de l'armée.

Des couvre-feux et des patrouilles militaires avaient ramené un certain calme mercredi.

Principal candidat de l'opposition, le général Buhari, un musulman du Nord, une région déshéritée, est arrivé second avec 31 % des voix derrière le président sortant, Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud, plus riche grâce au pétrole. Le vainqueur du scrutin de samedi a obtenu 57% des suffrages, selon la Commission électorale indépendante.

Le général Buhari, ancien chef militaire conteste la victoire de son rival mais a dit qu'il respecterait les canaux légaux et a appelé à la fin des violences.

Dans la région pétrolifère du delta du Niger, «et dans le sud-est il n'y a pas eu (vraiment) d'élections et nos partisans n'ont pas été autorisés à voter», a déclaré à la radio la Voix de l'Amérique le général qui dirigea en 1984 et 1985 une junte au pouvoir.

De fait plusieurs États du Sud ont annoncé des résultats allant de 95 % à plus de 99% des voix en faveur de M. Jonathan.

M. Buhari a cependant condamné, comme la veille, les émeutes meurtrières qui avaient commencé dimanche soir: «je demande instamment aux gens de se calmer et de respecter la loi car nous nous adressons (à la Commission électorale) afin d'obtenir justice», a-t-il dit dans une émission en langue haoussa.

Dans l'État de Kaduna (centre-nord), un responsable religieux a parlé sur une radio locale «de massacres incroyable et de destructions colossales».

La Croix-Rouge mentionne de son côté de «nombreux morts».

«Le nombre des déplacés a grimpé à 39 700 et le nombre des personnes blessées est passé à 410», a déclaré mercredi à l'AFP un responsable de l'organisation, Umar Abdul Mairiga.

Les émeutes ont affecté 14 des 36 États du Nigeria, notamment ceux de Kano, Kaduna, Sokoto: des manifestants musulmans ont y brûlé des commerces, des églises et des maisons, selon un responsable nigérian de la sécurité.

On a vu des foules de gens en colère, armées de machettes et de gourdins, sortir des gens de leurs voitures ou incendier des maisons, provoquant ensuite des représailles de chrétiens. Parfois l'initiative des violences est attribuée à ces derniers qui ont brûlé des mosquées.

Le président Jonathan a appelé mardi «les chefs politiques et religieux à condamner ces actes afin que notre pays connaisse un développement à la place de la destruction». Selon lui, la plupart des émeutiers sont des «jeunes au chômage» manipulés et que le gouvernement va aider.

Goodluck Jonathan, 53 ans, qui était vice-président, est devenu chef de l'État en mai 2010 au décès de son prédécesseur musulman Umaru Yar'Adua.

Dans le Nord, beaucoup considéraient, avant le scrutin, que sa confirmation serait une entorse à la rotation traditionnelle du pouvoir entre Nord et Sud au sein du parti dominant le PDP (parti populaire démocratique).

L'élection, selon les observateurs, a semblé dans l'ensemble plus honnête et transparente que les précédentes au Nigeria mais les résultats anormalement élevés en faveur de M. Jonathan dans plusieurs États du Sud ont semé le doute.

Les États-Unis ont félicité mardi soir M. Jonathan pour sa victoire et demandé le respect des résultats.