Le régime du président Blaise Compaoré, déjà confronté depuis jeudi à une mutinerie de militaires, fait face à une soudaine colère de commerçants qui ont incendié samedi plusieurs édifices publics à Ouagadougou pour protester contre les pillages des derniers jours.

Un couvre-feu a été instauré à Ouagadougou de 19H00 à 06H00 (locales et GMT), a annoncé samedi le ministère burkinabè de la Sécurité.

Les incidents dans la capitale du Burkina Faso ont fait 45 blessés dont certains par balle, en plus de «quelques cas de viols» en trois jours, a indiqué à l'AFP une source hospitalière à Ouagadougou.

Le couvre-feu fait suite à la furie des commerçants dans la capitale samedi alors que le chef de l'État burkinabè avait tenté vendredi de calmer la colère des soldats. Il avait dissous le gouvernement dirigé par le Premier ministre Tertius Zongo et limogé le chef d'état-major des armées, le général Dominique Djindjéré, remplacé par le colonel-major Honoré Nabéré Traoré.

Mais des soldats ont une nouvelle fois, dans la nuit de vendredi, tiré en l'air dans trois garnisons de Ouagadougou et pillé des magasins et boutiques dans plusieurs quartiers de la capitale, alors que le pouvoir est confronté depuis février à des révoltes de la population.

Les pillages des mutins ont provoqué une révolte des commerçants du principal marché de Ouagadougou qui s'en sont à leur tour pris à des édifices publics, dans le centre-ville.

Des dizaines de commerçants mécontents ont ainsi incendié le siège du parti au pouvoir, brûlé des véhicules stationnés dans l'enceinte du ministère du Commerce et l'Assemblée nationale, avant que le feu ne gagne ces bâtiments, selon un journaliste de l'AFP. Auparavant, ils avaient saccagé le gouvernorat de Ouagadougou.

Les commerçants ont brûlé des pneus et érigé des barricades à plusieurs endroits de la capitale avant d'être dispersés par des militaires.

«C'est le président (Blaise Compaoré) seul qui est responsable de nos déboires. Si vraiment il sait qu'il ne peut pas, il n'a qu'à laisser le pouvoir à ceux qui peuvent gérer le pays», a déclaré à l'AFP un vendeur de téléphone portable, Oumarou Bélem.

Le calme était revenu samedi après-midi dans la capitale où patrouillaient des militaires et des policiers qui ont dressé des barrages sur les voies menant aux principales institutions, dans le centre-ville, selon un journaliste de l'AFP.

Mais les dernières mesures prises vendredi par le pouvoir pour calmer les militaires mutins ont été jugées insuffisantes par l'opposition.

«Ce ne sont pas ces mesures hâtives qu'il faut pour cette crise qui est très profonde et structurelle. On ne soigne pas le cancer avec une pommade», a déclaré samedi à l'AFP le principal opposant burkinabè, Me Bénéwendé Stanislas Sankara.

«Le chef de l'État doit avoir le courage de s'adresser à son peuple pour lui dire de façon solennelle qu'il est à son dernier mandat (dont le terme est prévu en 2015)», a-t-il dit.

Avant les protestations des militaires et des commerçants, le régime de Compaoré avait été secoué par des mouvements de jeunes, à la suite de la mort à Koudougou (centre) d'un étudiant de 23 ans, Justin Zongo, lors d'une manifestation.

Cette mort a ensuite provoqué d'autres manifestations, souvent violentes, à travers tout le pays qui ont fait six morts à Koudougou et dans ses environs.

Début avril, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté à Ouagadougou et dans plusieurs villes de l'intérieur du pays contre le régime de Blaise Compaoré, 60 ans, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1987.