Les Nigérians votaient nombreux samedi à l'élection présidentielle, où le sortant Goodluck Jonathan part favori, lors d'un scrutin que les autorités ont voulu organiser dans la transparence, après deux décennies marquées par des violences et des fraudes.

Le scrutin se déroulait dans un calme relatif. Avant le début du vote, deux bombes ont certes explosé à Maiduguri (nord-est), mais les autorités n'ont pas fait état de victime et ont annoncé quatre arrestations. Maiduguri a déjà été frappée par deux attentats lors des législatives du 9 avril.

Une coalition d'ONG a rapporté d'autres incidents dans le nord du pays et dans le delta du Niger, où des observateurs locaux auraient été enlevés ou arrêtés. Des incidents ont aussi été signalés à Misau.

Cependant les observateurs l'Union européenne se sont montrés dans l'ensemble satisfaits: «le scrutin s'est déroulé ce matin dans des conditions encore meilleures que celles de la semaine dernière», a affirmé Alojz Peterle, chef de la mission de l'UE et ancien Premier ministre slovène.

Sur les 20 candidats, le président sortant Goodluck Jonathan, 53 ans, un chrétien du Sud, est donné favori, face à une opposition qui a échoué cette semaine à former une alliance.

Certains analystes voient toutefois dans l'ex-président militaire Muhammadu Buhari, 69 ans, très populaire dans le Nord musulman, un vrai rival pour M. Jonathan.

Parmi les candidats qui comptent, figurent encore Nuhu Ribadu, un «monsieur propre» qui a dirigé l'agence anti-corruption du Nigeria, et Ibrahim Shekarau, gouverneur sortant de l'Etat de Kano, dans le Nord.

Les bureaux de vote du pays le plus peuplé d'Afrique avec 155 millions d'habitants et premier producteur de pétrole du continent ont ouvert à 3H00 HNE (8H00 locale), voire plus tôt comme à Abuja, la capitale fédérale où de longues files d'électeurs s'étaient formées.

Le président Jonathan a voté dans l'État de Bayelsa, dans le delta du Niger, une région pétrolifère dont il est originaire. «Le Nigeria fait maintenant l'expérience d'une vraie démocratie où les politiques doivent aller vers le peuple», a-t-il déclaré ensuite à la presse.

«Le peuple montre le plus grand intérêt (pour ces élections), alors vous pouvez parler d'un nouveau jour dans notre évolution politique», a-t-il ajouté.

Abandonnerait-il le pouvoir s'il perdait l'élection ? «Bien sûr», a-t-il répondu.

Muhammadu Buhari a, lui, parlé de fraudes après avoir voté à Daura (nord), tout près de la frontière avec le Niger.

«Nous recevons des informations de fraude électorale, de bourrage d'urnes à certains endroits mais les gens vont porter plainte» auprès des commissions électorales, a dit M. Buhari à des journalistes. Il a fait état de «mouvements nocturnes depuis hier soir (vendredi) d'avions transportant des cartes électorales».

Il y a une semaine, les Nigérians ont voté aux législatives et le 26 avril, auront lieu les élections des gouverneurs des Etats de la fédération ainsi que des assemblées régionales.

Le pays s'est doté d'un nouveau fichier électoral électronique comportant les empreintes digitales des plus de 73 millions d'inscrits. La précédente liste était truffée d'électeurs fantômes.

«Il n'y a plus de trucage. De plus en plus de gens sont conscients de leurs droits. Ce processus est transparent», assurait samedi un électeur à Abuja, Eghosa Osaguona, un trader de 46 ans.

Malgré des épisodes de violence isolés le 9 avril, faisant 13 morts dans un attentat à Suleija (centre), les observateurs électoraux avaient salué une nette amélioration par rapport aux précédents scrutins législatifs.

Le Parti démocratique du Peuple (PDP, au pouvoir) a vu sa suprématie s'éroder avec la perte de sièges parlementaires au profit de l'opposition. Les résultats définitifs n'ont pas encore été proclamés.

Goodluck Jonathan, vice-président devenu chef de l'État en mai 2010 suite au décès de son prédécesseur Umaru Yar'Adua (2007-2010), est le candidat du PDP qui a remporté toutes les présidentielles depuis 1999.

Le général Buhari qui a dirigé le Nigeria d'une main de fer en 1984-1985 et brigue la présidence pour la troisième fois, peut compter sur des millions d'électeurs du Nord qui estiment que la présidence devrait lui revenir, en vertu d'une règle non-écrite prévoyant une rotation du pouvoir entre le Nord et le Sud. Yar'Adua, musulman du Nord également, est mort avant la fin de son premier mandat.

Les analystes prédisent «une lutte sans merci» entre Jonathan et Buhari. Certains évoquent un second tour, ce qui serait une première depuis 1999.

Photo: AFP

Goodluck Jonathan.