«Il y a des grenades abandonnées, des armes, des munitions quelque part ? C'est dangereux pour vos enfants et pour vous, alors signalez-les nous»: le commandant Morro, des forces du président Alassane Ouattara, patrouille dans les rues d'Abidjan pour tenter de ramener l'ordre.

La tâche est immense: les combats qui ont opposé pendant dix jours les fidèles du chef d'État déchu Laurent Gbagbo aux partisans du nouveau président Alassane Ouattara ont cessé, mais pillages et exactions se poursuivent dans la capitale économique ivoirienne.

À la tête d'une colonne d'une dizaine de véhicules remplis de soldats des Forces républicaines (FRCI) aux tenues dépareillées, le commandant Morro parcourt le quartier chic de Cocody (nord), tenant de rassurer par sa présence les habitants qui, craignant pillages et règlements de compte, hésitent à sortir de chez eux.

«L'objectif c'est de mettre de l'ordre, surtout contre les pillages, permettre aux gens de sortir, d'aller au travail, au marché, pour ramener la confiance chez la population», explique le commandant Morro, venu de Bouna (nord), qui arbore d'immenses lunettes de protection sur son chapeau de brousse et un treillis.

Soudain, deux coups de feu éclatent, provoquant un bref mouvement de panique parmi les habitants. Un simple incident: un soldat a eu la gâchette trop sensible et a tiré dans le bitume, mais les civils aux alentours ont bien vite retrouvé leurs réflexes des derniers jours, levant les mains en l'air.

«Dans les quartiers pro-Gbagbo, les gens ont peur des représailles, mais nous sommes aussi là pour les protéger», explique un combattant.

L'ennemi n'est d'ailleurs pas toujours où l'on pense: le commandant Morro surprend ainsi un groupe d'éléments FRCI, qui affirment être aux ordres d'un autre commandant, mais qui ne devraient pas se trouver dans ce quartier.

Alerté par des témoignages d'habitants, il les soupçonne de se livrer à des pillages dans cette zone: il les qualifie de «voleurs» et de «menteurs», les fait aussitôt s'allonger sur le sol et leur donne la «chicote», de grands coups de corde assénés avec force sur le dos.

Mais l'attention reste tournée vers les anciens partisans de Laurent Gbagbo, qui a conduit le pays dans une quasi-guerre civile en contestant il y a quatre mois les résultats de l'élection présidentielle, jusqu'à son arrestation lundi.

Un homme, en short et torse nu, dont le visage garde les traces de coups violents, est ainsi conduit à l'arrière d'un pick-up devant l'hôtel du Golf, le quartier général d'Alassane Ouattara.

«C'est un soldat de Gbagbo, il a avoué avoir brûlé sur ordre cinq personnes», assure un de ses geôliers, tandis qu'un homme en uniforme écrase une cigarette sur son crâne.

«Vous allez nous conduire partout où vous avez tué, nous montrer les endroits», lui ordonne un militaire, tandis qu'un autre affiche son incompréhension. «Mais pourquoi vous l'amenez ici, vous n'avez qu'à le tuer!"

La Côte d'Ivoire n'a plus qu'un seul président, mais le désordre n'a pas disparu et si Alassane Ouattara s'est donné un à deux mois pour «pacifier» le pays, il a encore fort à faire, y compris dans son propre camp.