L'ancienne «dame de fer» et passionaria de Côte d'Ivoire, Simone Gbagbo, 61 ans, a connu l'ivresse des sommets comme la chute au côté de son mari Laurent, avec leur arrestation lundi, après avoir tenté sans répit d'influencer la politique de son pays.

Après quatre mois d'une crise post-électorale sanglante, une guerre de deux semaines et l'enfermement dans le bunker de leur résidence officielle pendant plusieurs jours, elle a été arrêtée avec son mari et conduite au QG du nouveau chef d'État Alassane Ouattara, qu'elle a toujours honni et qualifié de «chef bandit».

Devenue Première dame le 26 octobre 2000, elle a été autant respectée pour son parcours dans l'opposition - et souvent même aimée - que crainte pour son rôle de «présidente» à poigne, souvent accusée d'être liée aux «escadrons de la mort» contre les partisans du camp adverse. Jamais elle n'a accepté de se cantonner à un rôle de faire-valoir.

Simone Ehivet est née en 1949 près de Grand-Bassam (est d'Abidjan), d'un père gendarme, dans une famille de dix-huit enfants. Elle fait des études poussées d'histoire et de linguistique.

Sa passion: le syndicalisme et l'engagement politique, passant du marxisme au christianisme évangélique, après avoir échappé «miraculeusement» en 1998 à un accident de voiture. Elle n'a de cesse de condamner le «néo-colonialisme» français, qu'elle voit surgir dès après l'indépendance d'août 1960.

Elle se lance ausi dans l'action sociale et caritative, en particulier dans la lutte contre le sida et la pauvreté.

La mâchoire est forte, le regard tantôt dur quand elle parle des «ennemis», tantôt brillant quand elle évoque Dieu. Un Dieu convié tous les jours à la résidence présidentielle pour des prières qu'elle organisait avec des pasteurs et autre «prophètes».

Plusieurs fois emprisonnée dans les années 1970, puis 1990, pour avoir dénoncé publiquement le «Vieux», l'ancien président Félix Houphouët-Boigny, elle cofonde en 1982 ce qui deviendra le Front populaire ivoirien (FPI, socialiste) dont elle sera députée en 1995, représentant Abobo (quartier nord d'Abidjan).

Le 19 janvier 1989, elle épouse, en secondes noces, son «camarade de combat» Laurent Gbagbo. Elle a cinq filles, dont deux de M. Gbagbo.

Lorsqu'éclate la rébellion de 2002, Simone Gbagbo défend becs et ongles son mari, dénonce la «sédition», déplore la partition. Elle pourfend avec fougue le président français Jacques Chirac et Alassane Ouattara - qu'elle surnomme aussi «le fléau» -, alors opposant exilé.

Elle va jusqu'à rejeter les accords inter-ivoiriens de Marcoussis (France), de janvier 2003, prévoyant un gouvernement d'union intégrant les rebelles, pourtant acceptés par son mari, maintenu au pouvoir.

Pendant la campagne présidentielle de 2010, elle est la première dénonciatrice de M. Ouattara. «Si tu mets un guerrier à la tête de ton pays, c'est que tu veux la violence», assène-t-elle à des chefs traditionnels du nord musulman, généralement pro-Ouattara.

«Dieu a donné la victoire à Laurent», commente-t-elle laconiquement au lendemain du second tour, le 28 novembre.

Elle a alors repris le terrain perdu face à Nady Bamba - une ex-journaliste à laquelle M. Gbagbo s'est uni quelques années plus tôt par un mariage coutumier -, qui paie son rôle-clé dans une campagne électorale critiquée, couronnée par une victoire largement contestée.

Quand le pays plonge dans la tourmente de la crise post-électorale, «Simone» ou «Maman», comme l'appellent ses admirateurs, monte au front, fustigeant le «chef bandit» Alassane Ouattara et le «diable» Nicolas Sarkozy.

Personnage controversé, elle a aussi été impliquée par la justice française dans la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer. Il a été vu vivant pour la dernière fois le 16 avril 2004 à Abidjan, alors qu'il avait rendez-vous avec Michel Legré, beau-frère de Mme Gbagbo.

Elle est visée par des sanctions (gel des avoirs) du Conseil de sécurité de l'ONU, tout comme quatre personnes, dont «Laurent», qu'elle a accompagné jusqu'à la chute, en son bunker au sous-sol de sa résidence qui résonnait de prières.