La bataille d'Abidjan faisait rage vendredi, les troupes d'élite du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, qui s'accroche désespérément au pouvoir, opposant une résistance acharnée aux combattants de son rival Alassane Ouattara autour de sa résidence et du palais présidentiel.

Dans le quartier administratif du Plateau (centre), près du palais, les rafales de fusil d'assaut kalachnikov et les tirs d'arme lourde se succédaient à un rythme soutenu, dont certains d'une très forte intensité faisaient trembler les murs des immeubles, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les rues étaient désertes, les habitants restaient terrés chez eux. Vers 9h00 locales  (5h00 à Montréal), un panache de fumée s'est élevé près du palais présidentiel, juste après une forte détonation. Des hommes armés étaient visibles à proximité.

Même intensité des combats dans le quartier chic de Cocody (nord), dans un large périmètre proche de la résidence présidentielle et de la télévision d'État RTI.

«Ça n'arrête pas de tirer. Les hommes de Gbagbo résistent sur l'ensemble de leurs positions», a rapporté un habitant tôt dans la matinée.

Alors que la ville avait été livrée à la violence et aux pillages, quelque 150 ressortissants français et 350 étrangers d'autres nationalités ont été accueillis depuis jeudi soir sur le camp de Port-Bouët de la force française Licorne à Abidjan, selon l'état-major des armées françaises à Paris.

Une Suédoise employée de l'ONU a été tuée jeudi soir à Abidjan, probablement par une balle perdue, selon le ministère suédois des Affaires étrangères.

Les combats très intenses entre les militaires fidèles au président sortant et les Forces républicaines d'Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale, ont débuté jeudi soir à Abidjan, la métropole ivoirienne constituant l'ultime objectif des forces pro-Ouattara.

Lundi, les Forces républicaines, qui contrôlaient le nord du pays depuis 2002, ont lancé une vaste offensive vers le Sud, pour mettre un terme à la crise née du scrutin présidentiel contesté du 28 novembre ayant fait, selon l'ONU, près de 500 morts, essentiellement des civils.

Elles ont très vite progressé, ne rencontrant guère de résistance sauf dans l'Ouest, région dont est originaire M. Gbagbo, prenant notamment la capitale politique Yamoussoukro (centre) et le plus important port d'exportation de cacao au monde, San Pedro (sud-ouest).

L'ONU a d'ailleurs indiqué vendredi craindre des «graves violations des droits de l'homme» commises par les forces pro-Ouattara, en particulier dans l'ouest du pays.

Au cinquième jour de l'offensive, Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, ne s'est pas exprimé publiquement depuis des semaines. Son discours à la Nation, maintes fois annoncé, n'est jamais arrivé.

Les forces pro-Ouattara ont dit avoir pris au début des combats la télévision d'État, symbole du régime, le privant ainsi d'un moyen de communication essentiel.

L'ambassadeur de France à Abidjan a estimé vendredi dans la matinée qu'il était «probablement au palais présidentiel».

L'Union africaine l'a appelé à «céder immédiatement le pouvoir», de même que la communauté internationale et le camp Ouattara.

Mais, si la fin de son régime n'a jamais paru aussi proche, un porte-parole, Toussaint Alain, restait catégorique vendredi: «le président Laurent Gbagbo n'a pas l'intention d'abdiquer ou de se rendre à un quelconque rebelle que ce soit».

Va-t-il se réfugier dans une ambassade étrangère, comme l'a affirmé la rumeur? Son chef d'état-major, le général Philippe Mangou, a fait défection mercredi soir et a trouvé refuge à l'ambassade sud-africaine à Abidjan. Et Pretoria a déjà démenti les rumeurs sur un exil sud-africain de M. Gbagbo.

Il «est sur le territoire ivoirien. Je ne peux pas vous dire exactement où il se trouve», a indiqué son porte-parole, sans préciser s'il était toujours à Abidjan. Selon plusieurs sources diplomatiques, il aurait quitté sa résidence jeudi après-midi pour une destination inconnue.

«Il faut que Laurent Gbagbo se rende pour éviter un bain de sang. On espère qu'il le fera, sinon on viendra le chercher là où il est. S'il démissionne, c'est bien, sinon il sera traduit devant la justice internationale», avait averti jeudi soir Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara.

De nombreuses organisations internationales ont affirmé que lui et ses proches étaient susceptibles d'être poursuivis pour «crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre» en raison des exactions commises par ses troupes sur les civils.