Les combattants du président reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara ont rapidement progressé mardi vers le Sud ivoirien, menaçant le régime du chef d'État sortant Laurent Gbagbo, qui a demandé un «cessez-le-feu immédiat».

«Nous appelons à un cessez-le-feu immédiat et à l'ouverture du dialogue sous la médiation du haut représentant de l'Union africaine (UA)», a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello.

«Nous avons reçu un courrier de l'UA nous invitant à une négociation dans le cadre de l'UA, du 4 au 6 avril à Addis Abeba. On n'a pas encore répondu mais il n'y a pas de raison de refuser une occasion de dialoguer», a-t-il ajouté.

Mais dans le même temps, le chef d'état-major des forces armées et de défense (FDS), fidèles à M. Gbagbo, annoncait que «le moment d'enrôlement effectif» pour les milliers de jeunes qui s'étaient enregistrés la semaine dernière, «était arrivé» et aura lieu à partir de mercredi.

Avant cette demande de fin des hostilités, M. Ouattara et ses alliés ont donné le ton: «toutes les voies pacifiques pour amener Laurent Gbagbo à reconnaître sa défaite (à la présidentielle de novembre) sont épuisées», ont-ils dit dans un communiqué.

C'est la première fois que le camp Ouattara choisit clairement la force pour tenter de clore une crise post-électorale qui a fait plus de 460 morts selon l'ONU, et menace de faire basculer le premier exportateur mondial de cacao dans la guerre civile.

Les combattants pro-Ouattara ont notamment pris le contrôle d'Abengourou, une ville située à seulement 220 km au nord-est d'Abidjan. Cette dernière, capitale économique et coeur du pouvoir du régime Gbagbo, n'a jamais été aussi menacée en quatre mois.

Alors que près d'un million de personnes ont déjà été déplacées et que quelque 112 000 Ivoiriens se sont réfugiés au Liberia, les Nations unies se préparaient à un fort afflux de réfugiés au Ghana.

Au lendemain du lancement de la vaste offensive des Forces républicaines de M. Ouattara, plusieurs grandes villes sont tombées au fil de la journée de mardi sous le contrôle des adversaires de M. Gbagbo, isolé diplomatiquement, de plus en plus asphyxié économiquement et sur la défensive militairement.

Il s'agit de Bondoukou (est), près de la frontière ghanéenne, Abengourou (sud-est), Daloa (centre-ouest) et Duékoué (ouest), important carrefour stratégique menant à San Pedro, le plus important port d'exportation du cacao au monde, situé 300 km plus au sud.

C'est à Duékoué que les Forces républicaines, qui regroupent essentiellement l'ex-rébellion pro-Ouattara tenant le Nord depuis son putsch raté de 2002, ont rencontré la plus vive résistance. Les combats - à l'arme lourde notamment - ont duré toute la journée de lundi et plusieurs heures mardi.

Un correspondant de l'AFP a pu voir mardi après-midi des maisons en feu et des impacts d'obus et de balles sur des bâtiments.

Dans les villes tombées, des habitants ont rapporté des scènes de liesse autour des combattants pro-Ouattara qui circulaient à bord de 4X4. «Ils paradent dans la ville en tirant des coups de feu en l'air», a dit un résident de Bondoukou.

Et à Abengourou, il n'ont quasiment pas rencontré de résistance. «J'ai assisté à leur arrivée à la gendarmerie. Il n'y a pas eu d'échanges de tirs. Ils ont demandé où se trouvaient les armes. Et ils ont tout chargé dans le véhicule de type 4X4 de la gendarmerie», a raconté un témoin.

Dans la capitale économique ivoirienne, la situation restait très tendue.

La Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) a accusé «des forces loyales» au président sortant d'avoir «tiré sur des civils innocents» lundi dans le quartier de Williamsville, «faisant une dizaine de morts».

En outre, «un groupe de jeunes pro-Gbagbo ont imposé le supplice du pneu à un jeune homme brûlé vif dans le quartier de la Riviera. Un autre groupe a sauvagement agressé deux fonctionnaires de l'Onuci qui vaquaient à leurs occupations», a affirmé la force onusienne.

Le porte-parole du gouvernement Gbagbo a démenti ces informations, estimant qu'il s'agissait d'une «diversion» de l'Onuci.

La voie des armes choisie par le camp Ouattara fait suite à l'échec de tous les efforts diplomatiques tendant à résoudre pacifiquement la crise née du scrutin présidentiel du 28 novembre, qui devait sortir le pays d'une décennie de crise politico-militaire.

Un diplomate de l'ambassade de France à Abidjan a par ailleurs été pris à partie mardi dans la capitale économique ivoirienne par des jeunes dans un quartier favorable au président sortant, a-t-on appris auprès de la représentation diplomatique.