Des tirs à l'arme lourde ont été entendus dans la nuit de mercredi à jeudi dans plusieurs quartiers d'Abidjan, notamment près de la télévision publique et dans un secteur favorable à Alassane Ouattara, le président ivoirien reconnu par la communauté internationale.

Les violences dans la métropole ivoirienne et dans l'Ouest, menaçant de faire basculer le pays dans la guerre civile, suscitent de plus en plus de craintes pour la population civile «prise dans l'étau du conflit», comme le souligne Médecins sans frontières (MSF).

Selon l'ONU qui devrait donner un nouveau bilan ce jeudi, près de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise née du scrutin présidentiel du 28 novembre qui oppose Alassane Ouattara au président sortant Laurent Gbagbo.

Des tirs à l'arme lourde ont été entendus dans le quartier résidentiel de Cocody (est), aux environs de la Radio-télévision ivoirienne (RTI) contrôlée par le président sortant, et de l'Ecole de gendarmerie, deux sites sensibles protégés par des barrages militaires, selon des témoins.

Mais c'est le secteur Port-Bouët 2, une enclave pro-Ouattara dans le quartier de Yopougon (ouest), bastion de M. Gbagbo, qui semble le nouvel épicentre des violences dans la capitale économique, devenue depuis mi-février le théâtre d'affrontements entre insurgés pro-Ouattara et forces pro-Gbagbo.

«Il y a eu des tirs toute la nuit, c'était très fort, on n'a pas pu dormir. Mais ce (jeudi) matin, cela s'est calmé», a indiqué un homme vivant à proximité.

Mardi, un imam avait été tué par balle lors de violences, suscitant une vive émotion dans le pays. «L'imam se trouvait dans l'enceinte de la mosquée lorsque des hommes armés ont tiré sur lui, il est mort», a déclaré l'imam Ousmane Diakité, secrétaire exécutif du Conseil supérieur des imams de Côte d'Ivoire (Cosim).

Un autre responsable musulman avait assuré qu'il avait été atteint par des balles perdues, une version contestée par des proches de la victime.

Pour le camp Ouattara, «après Abobo (quartier nord), c'est maintenant au tour des populations de Yopougon, plus précisément dans le sous-quartier de Port-Bouët 2, de vivre la terreur du clan Gbagbo».

Selon le ministère de la Défense de M. Ouattara, il y a eu «de nombreux tués, dont des femmes, des enfants et l'imam de la grande mosquée».

«Dans le quartier de Yopougon Port-Bouët 2, plusieurs témoignages font état de commerces incendiés ou saccagés et de personnes enlevées au sein même de leurs domiciles. Dans ce quartier, la mosquée a été saccagée et l'imam tué», a confirmé la Fédération internationale des droits de l'homme.

«Les risques sont importants de voir les affrontements s'étendre en très peu de temps à l'ensemble de la ville, avec des conséquences importantes sur la sécurité des civils», selon la FIDH.

Médecins sans frontières (MSF) s'inquiète aussi des «graves répercussions» de ces affrontements sur la population.

«À Abidjan, le quartier d'Abobo ne dispose que d'un hôpital fonctionnant normalement pour quelque deux millions d'habitants. La plupart du personnel de santé a déserté les deux autres hôpitaux de ce quartier en proie aux affrontements», selon l'organisation.

«En l'espace de deux semaines, 129 patients, dont 81 souffrant de blessures par balle et à l'arme blanche, ont été reçus aux urgences, et 31 cas graves ont été opérés» a indiqué Mego Terzian, responsable des urgences à MSF.