Le camp du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo a mis mercredi la pression sur les multinationales opérant dans la filière cacao, leur donnant jusqu'au 31 mars pour exporter quelque 400 000 tonnes de fèves, dans l'espoir de desserrer l'étau des sanctions occidentales.

Mais dans le même temps, la France a dénoncé la «spoliation des entreprises des filières cacao et café présentes en Côte d'Ivoire», premier producteur mondial, après la décision de M. Gbagbo de contrôler l'achat et l'exportation du cacao. Les États-Unis avaient parlé mardi de «vol».

La «bataille du cacao» est cruciale dans le bras de fer que se livrent depuis le scrutin du 28 novembre M. Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale. Le café, et surtout le cacao, représentent 40% des recettes d'exportations du pays.

Fin janvier, M. Ouattara avait lancé un appel à l'arrêt des exportations de cacao. Cet appel, qui court jusqu'au 15 mars, est jusqu'à présent largement respecté par les grands négociants et chocolatiers.

Les stocks de cacao «sont la propriété des exportateurs, sont dans leurs magasins et l'Etat n'a jamais décidé de les réquisitionner», a affirmé le ministre de l'Agriculture de M. Gbagbo, Issa Malick Coulibaly, lors d'une conférence de presse à Abidjan.

«Ils ont des stocks et ont jusqu'à fin mars pour les exporter et payer à l'État (la taxe) qu'ils doivent payer. Nous attendons qu'ils fassent leur part de travail», a-t-il averti, assurant que l'Etat n'a pas «mis la main sur les stocks des exportateurs».

Il a reconnu que l'embargo de l'UE sur les ports ivoiriens avait eu des «conséquences désastreuses», avec notamment un «arrêt de la collecte des ressources fiscales et para-fiscales sur la filière café-cacao».

«Pour régler le problème que l'Union européenne a créé, on ne peut pas rester les bras croisés sinon le cacao va pourrir», a souligné le président du comité de gestion (public) de la filière, Gilbert Anoh.

Si au 1er avril, les stocks n'ont pas été exportés, «c'est à ce moment-là que des sanctions pourraient être prises», a-t-il précisé. «L'État a des droits là-dessus».

Selon M. Anoh, 52 exportateurs ont été agréés cette année, dont 16 multinationales qui avaient un stock fin février de 40 7 000 tonnes.

La multinationale américaine Cargill détient 50 000 tonnes de cacao et la Société africaine de cacao (Saco, groupe suisse Barry Callebaut) quelque 100.000 tonnes, selon lui.

Jusqu'à présent, près de 80% du cacao ivoirien était exporté vers l'Europe. «Mais le monde n'est pas fait seulement de l'Europe. Le monde est vaste», a insisté le ministre.

«Toutes les sociétés, d'où qu'elles soient, européennes, africaines, américaines, asiatiques, qui souhaitent avoir des relations commerciales avec la Côte d'Ivoire sur le café-cacao, sont toujours les bienvenues», a lancé M. Coulibaly.

«Si nous avons d'autres marchés pour acheter notre café et notre cacao, je ne vois pas pourquoi on hésiterait», a précisé à l'AFP Laurent Dona Fologo, président du Conseil économique et social, proche de M. Gbagbo.

S'il ne s'agit pas de saisir les stocks actuels, le cacao acheté après l'ordonnance du 6 mars pourrait en revanche être vendu à de nouveaux exportateurs, avance un responsable du comité de gestion.

Le camp Gbagbo «vise des clients comme la Chine ou la Russie», juge un acheteur s'exprimant sous couvert de l'anonymat, qui souligne toutefois la difficulté de s'acquitter de ces taxes.

Le système bancaire est en effet quasi-paralysé depuis la rupture en janvier entre Abidjan et la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), qui reconnaît M. Ouattara.