Trois hommes et une jeune femme ont été tués par balles mardi à Abidjan, la Côte d'Ivoire s'enfonçant jour après jour dans une spirale de violences en l'absence d'issue à la crise post-électorale.

Des tirs nourris ont éclaté en milieu d'après-midi dans le quartier populaire de Treichville après une marche pacifique de femmes favorables au président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara.

Après la marche des femmes, organisée à l'occasion de la Journée internationale de la femme, qui s'était achevée dans le calme à la mi-journée, des jeunes se sont affrontés aux policiers dans les rues, incendiant un car de la police, ont rapporté des témoins.

Dans ce quartier abritant la caserne de la Garde républicaine, les forces de l'ordre ont alors dispersé la foule par des tirs de sommation. Selon des témoins, des habitants ont été atteints par des balles perdues.

Quatre corps ont été retrouvés plus tard dans une salle d'une clinique de quartier. Trois corps, recouverts de pagnes, ont été alignés près d'un mur. Le quatrième est encore sur un lit.

«Ils ont reçu des balles. Deux sont arrivés déjà morts, deux sont morts à la clinique après des blessures», a indiqué une source médicale.

«La jeune femme se trouvait devant la cour familiale, une balle l'a atteinte en pleine poitrine», a ajouté un parent de la victime.

Une dizaine de blessés étaient soignés dans des chambres de la clinique et les couloirs, parfois à même le sol. L'un d'entre eux était allongé sur un lit, inanimé, sous perfusion.

«J'étais à la maison en train de manger», raconte en grimaçant de douleur Eddy, un des blessés. «Je suis sorti pour aller chercher quelque chose à la boutique, j'ai reçu une balle à la cheville, je ne sais pas d'où venait la balle ni qui a tiré».

Une série de manifestations de femmes s'étaient tenues mardi, à Abidjan notamment, afin de dénoncer la mort de sept manifestantes pro-Ouattara tuées par balles le 3 mars dans le quartier d'Abobo.

Selon des témoins et le camp Ouattara, elles avaient été tuées par les forces de l'ordre loyales au président sortant, ce que conteste le camp de ce dernier.

A Treichville, avant les heurts, de nombreuses femmes vêtues de noir s'étaient rassemblées sur un boulevard, en portant des pancartes «Gbagbo dehors», «Gbagbo assassin, quitte le pouvoir» ou «oui ADO», surnom d'Alassane Ouattara.

La crise post-électorale entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara a été marquée depuis mi-février par une flambée de violences. Plus de 370 personnes ont été tuées depuis fin 2010 dans le pays, selon l'ONU.

Dans l'ouest du pays, les ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) gardent le contrôle de la ville de Toulépleu, tombée dimanche, tandis que le camp adverse garde la ville proche de Blolékin après des combats.

Sur la plan diplomatique, une importante réunion de l'Union africaine doit se tenir jeudi à Addis Abeba sur la crise en Côte d'Ivoire, qui menace de basculer dans la guerre civile et de déstabiliser une partie de l'Afrique de l'Ouest.

Mais M. Gbagbo ne fera pas le déplacement et s'y fera seulement représenter par le chef de son parti, Pascal Affi N'Guessan.

Retranché au Golf hôtel d'Abidjan sous un blocus des Forces de défense et de sécurité (FDS) de M. Gbagbo et protégé par des Casques bleus ainsi que des éléments FN, M. Ouattara a de son côté accepté l'invitation.

Avant la réunion de jeudi avec les deux camps et le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA, le panel de l'UA sur la crise ivoirienne devait se retrouver dès mercredi à Addis Abeba pour «finaliser» ses positions. Il est censé arrêter d'ici fin mars des décisions «contraignantes».

Les États-Unis ont condamné la décision de Laurent Gbagbo de prendre le contrôle de l'achat et l'exportation du cacao ivoirien, y voyant «du vol» alors que le président sortant entend par cette mesure desserrer l'étau des sanctions économiques étrangères.