Le nouveau Premier ministre égyptien Essam Charaf s'est adressé vendredi à des milliers de personnes rassemblées sur l'emblématique place Tahrir au Caire, en s'engageant à satisfaire les demandes populaires pour un changement démocratique.

«Je suis ici parce que je tire ma légitimité de vous (...). Je déploierai tous mes efforts pour répondre à vos revendications», a-t-il dit à une foule de partisans agitant des drapeaux.

Rare démarche de la part d'un responsable égyptien, M. Charaf avait un peu plus tôt rejoint sous les acclamations le rassemblement place Tahrir, avant la grande prière hebdomadaire du vendredi.

Une haie humaine a été formée pour lui permettre de passer parmi les manifestants.

Constamment interrompu par des «Nous sommes avec vous», M. Charaf, qui a été nommé jeudi, a plaidé pour la patience.

«Je vous en prie, vous avez fait quelque chose de grandiose et ensemble nous ferons plus. Ma tâche est lourde et cela nécessitera de la patience», a-t-il dit.

La nomination de M. Charaf était destinée à calmer les manifestants, qui avaient continué à se rassembler place Tahrir pour exiger que le gouvernement soit purgé des éléments de l'ancien régime.

Après la démission d'Ahmad Chafic jeudi, le Conseil suprême des forces armées, en charge du pays depuis la chute du président Hosni Moubarak sous la pression populaire, a annoncé son remplacement par M. Charaf, une personnalité populaire parmi les jeunes militants pro-démocratie qui avaient déclenché la révolte anti-régime fin janvier.

M. Charaf, professeur d'ingénierie à l'Université du Caire, a été ministre des Transports de 2002 à fin 2005, avant d'être démis à la suite de divergences avec l'ancien Premier ministre Ahmad Nazif.

Il avait participé aux manifestations antigouvernementales place Tahrir, épicentre de la contestation anti-Moubarak.

«C'est une bonne démarche mais nous avons toujours d'autres revendications. Nous voulons que les détenus soient relâchés», a dit à l'AFP l'un des manifestants, Omar Ahmed.

«Nous sommes prêts à lui donner du temps, mais nous continuerons à faire pression pour nos demandes», a renchéri un autre protestataire, Ahmed Adel.

Des dizaines de personnes ont été arrêtées lors des violentes manifestations qui ont abouti à la chute du président Hosni Moubarak. Au moins 384 personnes ont été tuées et plus de 6.000 blessées en 18 jours de révolte.

M. Charaf a rendu hommage à tous ceux ayant pris part au soulèvement et salué «les martyrs de la révolution».

La manifestation de vendredi, qui devait de nouveau exiger la chute du gouvernement, s'est transformée en célébration après la démission de M. Chafic.

Les manifestants ont également scandé «Le peuple veut la fin de la sécurité d'État», en référence à cette branche très redoutée du ministère de l'Intérieur, accusée par des organisations des droits de l'Homme de nombreux abus et de torture.

«Je prie pour que l'Égypte soit un pays libre et que ses services de sécurité soient au service des citoyens», a affirmé M. Charaf.

«Lève haut la tête, tu es égyptien», a encore dit le Premier ministre à la foule, en reprenant ce qu'ont crié des centaines de milliers de personnes à Tahrir le jour de la démission de M. Moubarak le 11 février.