L'Union africaine s'accorde un mois de plus pour tenter de dénouer la crise en Côte d'Ivoire, où la situation s'est brutalement aggravée ces derniers jours avec des affrontements meurtriers dans Abidjan.

Le panel de cinq chefs d'État désigné par l'UA doit désormais «parachever» sa mission «au cours du mois de mars» pour tenter de résoudre la crise née de la présidentielle du 28 novembre entre le président sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu chef de l'État par la communauté internationale.

Il devait au départ arrêter fin février des solutions «contraignantes».

Présidé par le chef de l'Etat mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, le groupe s'était rendu - à l'exception du Burkinabé Blaise Compaoré, accusé par le camp Gbagbo de soutenir son rival - à Abidjan du 21 au 23 février. Il doit se réunir de nouveau à Nouakchott vendredi.

Ce délai supplémentaire sonne comme l'aveu d'une impasse politico-diplomatique, alors que la semaine dernière le quartier pro-Ouattara d'Abobo, à Abidjan, a été le théâtre de combats sanglants entre Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales au président sortant et insurgés armés.

Le gouvernement Gbagbo accuse ces combattants d'être des éléments de l'ex-rébellion du nord alliée à M. Ouattara, infiltrés à Abobo. Pointée du doigt pour «complicité», la force onusienne Onuci, dont les rapports ne cessent de se dégrader avec les partisans de M. Gbagbo après une série d'incidents sérieux, a fermement rejeté ces accusations.

Abobo (nord de la capitale économique) était cependant calme depuis dimanche. «La nuit a été tranquille», a déclaré un habitant mardi.

Mais la situation demeurait préoccupante après plusieurs jours d'exode de milliers de familles terrifiées par les combats à l'arme lourde.

Certains quartiers d'Abobo (environ 1,5 million d'habitants) «se vident littéralement de leur population», a souligné le coordinateur humanitaire des Nations unies, Ndolamb Ngokwey. «Les cadavres qui jonchent les rues doivent être inhumés, au plus vite», a-t-il ajouté.

Si les armes se sont tues pour l'heure à Abobo, à Abidjan la tension restait vive, les partisans des deux rivaux se disputant le contrôle du territoire.

Ainsi à Koumassi (sud) où des tirs nourris ont retenti durant la nuit, des jeunes pro-Gbagbo, certains armés de gourdins, tenaient mardi matin de nombreux barrages et fouillaient les coffres des voitures.

À Adjamé, des jeunes pro-Ouattara étaient sortis tôt pour brûler des pneus dans des rues, avant de se disperser à l'arrivée des FDS.

La bataille Gbagbo-Ouattara se livrait aussi sur le terrain médiatique.

Invoquant «menaces» et «harcèlement judiciaire et policier» exercé selon eux par le camp adverse, huit journaux pro-Ouattara dont les titres-phares Le Patriote, Nord-Sud et Le Nouveau Réveil, ont suspendu mardi leur parution «jusqu'à nouvel ordre», a expliqué à l'AFP le porte-parole de leur collectif, Dembélé Al Séni.

«Nos journalistes sont en danger de mort permanent», a-t-il affirmé.

Le conflit autour des médias a déjà connu un développement spectaculaire avec la coupure, durant la journée de dimanche, du signal hertzien de la télévision publique RTI, pilier du régime Gbagbo. Le centre émetteur avait été endommagé lors des combats entre FDS et insurgés.

L'organisation Reporters sans frontières (RSF) s'est dite «chaque jour plus inquiète pour la situation de la liberté de la presse» dans le pays, et a craint que la presse, «déjà très polarisée dans ce pays», n'en vienne «à se radicaliser davantage».

Le nord privé d'électricité

Le nord de la Côte d'Ivoire, sous contrôle de l'ex-rébellion alliée à Alassane Ouattara, est privé depuis lundi de courant, une situation dont la Compagnie ivoirienne d'électricité (CIE) a rendu responsable le gouvernement du président sortant Laurent Gbagbo.

Depuis lundi, le nord du pays est privé d'électricité comme il l'avait été fin janvier, ont rapporté à l'AFP des habitants de plusieurs villes de la zone, tenue par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis 2002.

Le système de distribution d'eau nécessitant la fourniture en électricité, des coupures d'eau ont été constatées mardi à Bouaké (centre), fief des FN.

Dans un communiqué, la CIE décline toute responsabilité dans la coupure d'électricité, rappelant que le gouvernement Gbagbo avait «réquisitionné» son centre de contrôle («dispatching») à la mi-janvier «pour des raisons de sécurité nationale».

Lundi matin, trois experts du ministère des Mines et de l'Énergie «escortés d'hommes armés, se sont introduits au «dispatching» et ont conduit toutes les opérations ordonnant des manoeuvres de coupure dans toutes les zones CNO (nord) alors qu'aucune exigence d'exploitation ne l'imposait et que le réseau demeure sain», a affirmé cette entreprise privée.

«On n'a pas besoin de donner (à la CIE) des explications», a répliqué le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello.

«Le «dispatching» est actuellement sous contrôle de l'État de Côte d'Ivoire, qui optimise l'utilisation du potentiel électrique actuel en fonction de ses priorités et de ses besoins», a-t-il dit à l'AFP.

«Il n'y a pas que dans la zone CNO qu'on observe des coupures», a-t-il ajouté, qualifiant de «saute d'humeur» la réaction de la CIE.