Tout comme le Sud-Soudan, ce nourrisson n'a pas encore de nom officiel, mais sa naissance est déjà une petite victoire sur les accablantes statistiques de son futur pays: sa maman a survécu.

Amawadia Adem, déjà mère de trois enfants, est venu accoucher de son quatrième enfant à l'hôpital d'Aweil, capitale de l'État sudiste du Nord Bahr el-Ghazal.

L'accouchement semble être une formalité pour Amawadia, la trentaine au visage sévère, qui s'assoit comme si de rien n'était sur la table de travail et donne naissance sans une grimace à une adorable petite fille toute fripée.

Quelques instants plus tard, une sage-femme de Médecins sans frontières (MSF), Janet Fields, remarque cependant que la jeune maman, toujours allongée, commence à saigner abondamment.

«L'hémorragie post-partum (après l'accouchement), est la première cause de décès maternel», explique Mme Fields, tout en prenant immédiatement en charge sa patiente.

Après avoir voté en janvier pour la sécession, le Sud-Soudan deviendra officiellement en juillet le 193e pays de la planète. Il rejoindra malheureusement les fonds du classement en terme de statistiques de mortalité.

Dans cette région ravagée par une interminable guerre civile (1983-2005) qui a tué près de deux millions de personnes, un décès de femme sur sept est lié à la grossesse ou à l'accouchement, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

La malnutrition, les maladies (dont le paludisme), le manque de personnel et d'équipements médicaux contribuent à faire du Sud-Soudan un des pires endroits de la planète pour devenir mère.

L'hôpital d'Aweil est l'unique structure hospitalière du Nord Bahr el-Ghazal. Seuls 10% des accouchements s'y déroulent avec une assistance médicale.

Selon MSF, la mortalité maternelle -de près de 14% au Sud-Soudan- a pu être réduite à 0,6% à l'hôpital d'Aweil, grâce à l'intervention de cette ONG.

Dans la salle d'accouchement, l'hémorragie d'Amawadia est désormais sous contrôle: «Alléluia! Plus de sang», s'exclame joyeusement Janet, levant en signe de victoire son poing ganté de plastique chirurgical.

Au village, sans assistance médicamenteuse, et même avec le soutien de sages femmes traditionnelles, «Amawadia serait tout simplement morte», lâche l'employée de MSF.

La fréquentation croissante de la maternité de l'hôpital d'Aweil montre que les habitudes sont en train d'évoluer. «C'est un grand changement (...). Avant, les femmes ne recevaient tout simplement aucun soin», explique la responsable du service, Alice Gune Patumayo.

Dehors, près de 200 femmes enceintes se reposent patiemment sur de rudimentaires nattes de chaume, au milieu d'un océan de babouches à l'abandon et à l'ombre d'un auvent de toile.

Toutes ont souhaité être prises en charge et accoucher ici. Les femmes «connaissent de plus en plus l'existence de cet endroit, certaines ont marché des heures ou fait deux jours de voiture pour venir», se réjouit un autre responsable de la maternité, Joseph Atak Bol.

Le gouvernement du Sud-Soudan a appelé les ONG à venir réduire les taux de mortalités maternelle et infantile.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et l'État de l'Équateur occidental ont ainsi mis en place un projet original de motos side-car pour transporter les femmes enceintes vers les structures appropriées.

«J'étais aux champs depuis trois jours. Le bébé venait, alors j'ai voulu accoucher au village avec une sage-femme», raconte Anguet Aten, jeune maman depuis à peine quelques heures d'un petit Akol.

«Cela ne marchait pas, j'ai donc décidé de venir à la maternité. Finalement, j'ai beaucoup saigné et cela aurait pu mal se terminer. La prochaine fois, je viendrai directement ici», assure-t-elle.