Facebook et Twitter sont des outils essentiels pour la nouvelle génération de militants opposés au régime égyptien. Hossam el-Hamalawy, 33 ans, l'un des blogueurs égyptiens les mieux connus, utilise le web depuis des années pour critiquer les autorités de son pays. La Presse l'a joint hier au Caire pour l'interroger sur l'ampleur du vent de changement qui souffle sur le pays des pharaons et sur le rôle que joue le web dans ce soulèvement inédit.

Q Depuis 30 ans, il n'y a jamais eu un tel mouvement de contestation à l'égard du président égyptien Hosni Moubarak. Quel est le sentiment général dans la rue, en Égypte, ces jours-ci?

R Plusieurs des personnes qui manifestaient hier et aujourd'hui n'étaient pas des militants typiques. Elles n'étaient pas politisées auparavant. Elles ont été enhardies par l'expérience. Elles ont affronté la police, les véhicules blindés et les balles de caoutchouc si bravement que tout le monde est resté bouche bée. Mais il y a aussi, très certainement, des gens qui sont terrifiés, car des personnes ont été tuées.

Q Que réclament les manifestants?

R C'est très simple: ils veulent que Moubarak s'en aille. C'est la demande qu'ils répètent depuis le début. Il y a bien sûr d'autres demandes. Comme la destitution du ministre de l'Intérieur et la dissolution de son ministère, qu'on devrait qualifier de ministère de la Torture.

Q Comment le régime a-t-il réagi jusqu'à maintenant?

R Le ministère de l'Intérieur a publié des communiqués dans la presse contrôlée par le gouvernement, notamment pour accuser les manifestants de sabotage. Mais ni le président ni les membres les plus importants de son cabinet n'ont parlé, ce qui donne l'impression qu'ils ont très peur.

Q Quelles sont d'après vous les chances pour qu'Hosni Moubarak soit renversé comme l'a été Ben Ali en Tunisie?

R L'effet domino, dans l'histoire, a été plusieurs fois constaté. C'est presque devenu une loi scientifique. Je pense que Moubarak sera renversé. Il serait toutefois naïf de croire que cet effet domino fonctionne d'une façon mécanique. Que si Ben Ali est tombé tel jour, Moubarak quittera la scène le jour suivant. Ça ne marche pas de cette façon. Mais la Tunisie est certainement le catalyseur d'un processus qui était en préparation en Égypte depuis plusieurs années. Je pense que Moubarak sera renversé à un moment donné. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera demain. Si ce n'est pas demain, ce sera le mois prochain. Et si ce n'est pas le mois prochain, ce sera certainement cette année. Son règne est terminé.

Q Quel a été le rôle du web dans l'organisation des manifestations des deux derniers jours?

R L'erreur que les gens font souvent est de croire que la mobilisation sur le web suffit. Ce n'est pas le cas. De nombreux manifestants qui ont pris la rue d'assaut hier ne sont pas sur Facebook. Twitter est bloqué par le gouvernement depuis hier, mais les manifestations continuent. Cela dit, au coeur de la communauté militante, Facebook, Twitter et YouTube ont joué un rôle-clé pour faire passer le mot au sujet des événements qui se déroulent sur le terrain.