Le Sud-Soudan pourrait devenir dès cette année le dernier-né de la famille des nations, mais encore faut-il lui trouver un nom. New Sudan, Cush, la République du Nil: chacun y va de son pronostic d'ici le baptême.

À Juba, la capitale sudiste, des drapeaux étoilés coiffent les édifices et les jeunes téléchargent le premier hymne national sudiste fraîchement composé, mais il manque encore quelque chose au Sud-Soudan pour devenir un pays.

«Le Soudan a été uni, il sera divisé, il y a un nouveau pays qui naît avec une population qui n'est pas de la même race que celle du Nord. Ce pays devrait donc s'appeler "Nouveau Soudan"», juge Robert, un chauffeur de «boda-boda», ces motos-taxis qui sillonnent les rares artères goudronnées de Juba.

Le "Nouveau Soudan", c'est le projet du chef historique de la rébellion sudiste, John Garang, qui rêvait d'un Soudan uni, laïque et fédéral mais restait discret sur la sécession de sa région natale.

«Dr. John» est décédé à l'été 2005 après avoir signé un accord de paix avec Khartoum prévoyant la tenue d'un référendum d'autodétermination, dont le Sud cueille aujourd'hui les fruits.

Le scrutin, qui a commencé dimanche, se déroule jusqu'à samedi, et son issue ne fait plus aucun doute au sein de la population du Sud-Soudan qui pourrait dès le 9 juillet prochain, fin de la période intérimaire de six ans née de l'accord de paix, devenir le dernier-né de la famille des nations.

L'armée sudiste a engagé des poètes pour composer un hymne national, baptisé La terre de Cush, ancien nom biblique.

«Oh Dieu, nous te prions et te glorifions pour ta grâce sur Cush, la terre des grands guerriers, et l'origine des civilisations», chante l'hymne.

Le «royaume de Cush», ou Kush, a régné pendant plus de 1000 ans - de 700 av. J-C à environ 350 ap. J-C - sur un vaste territoire allant du Sud de l'Egypte à Malakal, ville située dans la partie nord du Sud-Soudan.

«Cush n'a pas de relation directe avec le Sud. C'est un nom biblique. Je me demande si ça peut être le nom d'un nouveau pays. D'après mes informations, nous allons retenir le nom de Sud-Soudan. Peut-être le nom changera-t-il un jour», dit à l'AFP Gabriel Changson Chang, ministre sudiste de la Culture, membre d'un parti d'opposition sudiste et non du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), ex-rebelles à la tête du gouvernement semi-autonome du Sud-Soudan.

«Les dirigeants du SPLM font pression pour le mot "Cush", mais la population croit davantage au nom "République du Nil", car la plupart de nos communautés sont situées le long du Nil et historiquement nos relations sont basées sur le Nil, elles vont jusqu'en Égypte», estime Nhial Bol, rédacteur en chef du journal The Citizen, le plus important du Sud.

Le choix d'un nom pour le futur pays témoigne de la complexité de trouver une identité commune et de forger de nouveaux symboles communs dans une région unie pendant les longues années de guerre civile contre Khartoum, mais morcelée en une soixantaine de tribus parlant autant de langues.

Si le Sud s'interroge sur son nom, le Nord-Soudan commence lui aussi à se poser des questions sur le maintien du nom "Soudan" pour définir une population majoritairement arabe.

«Le nom de Soudan vient des Arabes qui appelaient la région "Bilad al-Soudan", le «pays des Noirs», remarque Al-Tayeb Mustafa, éditeur du journal nordiste pro-arabe Al-Intibaha, et aussi proche du président soudanais Omar el-Béchir.

«Pourquoi serions-nous le seul pays au monde dont le nom se réfère à une couleur?», dit-il à l'AFP, en estimant préférable de le changer.