L'Egypte redoutait dimanche une aggravation des tensions confessionnelles après l'attentat qui a fait 21 morts devant une église copte d'Alexandrie, pour lequel les autorités privilégient la piste d'Al-Qaïda.

Des traces de sang étaient toujours visibles dimanche matin sur la façade de l'église des Saints, mais le calme semblait revenu dans la deuxième ville d'Egypte au lendemain d'affrontements entre jeunes chrétiens et policiers.

L'émotion restait toutefois vive parmi les fidèles, qui ont assisté à la messe dominicale en scandant «O croix, nous sommes prêts à nous sacrifier pour toi». Samedi soir, les funérailles avaient rassemblé plus de 5000 personnes dans le cimetière chrétien d'Alexandrie.

La presse exhortait chrétiens et musulmans à faire bloc, craignant que ce massacre commis dans la nuit du Nouvel An ne provoque une escalade des tensions.

Les Coptes représentent de 6 à 10% des quelque 80 millions d'Egyptiens.

«Quelqu'un veut faire exploser ce pays» et provoquer «une guerre civile religieuse» en Egypte, affirmait le quotidien pro-gouvernemental Rose el-Youssef.

Le journal indépendant Al-Chourouq évoquait la hantise d'une guerre civile: «Si le plan (des terroristes) marche comme prévu», l'Egypte pourrait s'embourber dans «un marécage semblable à ce qui s'est passé au Liban en avril 1975».

«Il ne sera possible de contenir l'impact de cet acte criminel (...) qu'en y faisant face de manière franche et courageuse, en ne se mettant pas la tête dans le sable» face aux tensions confessionnelles, écrit pour sa part Al-Masri Al-Yom à l'adresse des autorités.

La colère se lisait encore dimanche dans les rues. Au Caire, plusieurs dizaines de manifestants ont jeté des projectiles sur les policiers dans un quartier copte et selon la police, un millier de Coptes ont manifesté devant le ministère des Affaires étrangères et les locaux proches de la télévision d'Etat, perturbant la circulation et endommageant une dizaine de voitures.

Dans la province d'Assyout (sud), des Coptes ont pris à partie un musulman et détruit trois voitures dans le village d'Al-Izziya, selon un témoin.

Selon le ministère de l'Intérieur, l'attentat est «probablement» l'oeuvre d'un kamikaze portant des explosifs de fabrication locale, mais commandité par «des éléments extérieurs». Le président Hosni Moubarak a lui-même mis en cause des «mains étrangères».

Selon un responsable des services de sécurité, 20 personnes ont été détenues pour interrogatoire.

Le pape Benoît XVI a exprimé dimanche sa «douleur» face à «ce geste lâche de mort», qui «offense Dieu et l'humanité tout entière». A Genève, le Conseil oecuménique des Eglises a condamné une «terrible attaque contre des fidèles innocents».

La veille, le pape avait appelé les dirigeants du monde à protéger les chrétiens, une «ingérence inacceptable», a jugé le grand imam d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayyeb.

L'Italie a demandé dimanche que la question des violences et discriminations contre les chrétiens dans le monde soit au menu du conseil des ministres européens des Affaires étrangères prévu le 31 janvier.

Samedi, le président américain Barack Obama avait estimé que les responsables de l'attentat n'avaient «aucun respect pour la vie et la dignité humaine». Paris, Londres et de nombreuses capitales du Moyen-Orient ont également condamné l'attaque.

L'attentat n'a pas été revendiqué, mais la piste d'Al-Qaïda est évoquée par les autorités qui rappellent que l'organisation, qui avait revendiqué l'attentat meurtrier du 31 octobre contre une cathédrale de Bagdad, avait proféré des menaces contre les chrétiens d'Egypte.

Le patriarche copte orthodoxe Chenouda III a dénoncé un acte «terroriste» et «lâche» «visant à déstabiliser le pays». Les principales personnalités religieuses musulmanes égyptiennes, de même que les Frères musulmans, ont aussi émis des condamnations.