Six proches du président rwandais Paul Kagame ont été mis en examen par la justice française dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana, a-t-on appris jeudi de sources judiciaires.

Ces mises en examen sont intervenues la semaine dernière. Ces six personnes sont poursuivies pour complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Le juge d'instruction Marc Trévidic s'est rendu à Bujumbura, la capitale du Burundi, où ces six proches du président Kagame avaient donné leur accord pour être entendus et mis en examen.

Parmi les personnes mises en examen par le juge d'instruction figurent plusieurs généraux et hauts gradés de l'armée rwandaise dont James Kabarebe, Charles Kayonga ou Jackson Nkurunziza, a-t-on précisé de mêmes sources. Sont également mis en examen Jacob Tumwine, Sam Kaka et Franck Nziza. Tous ont pu longuement s'expliquer sur les faits reprochés, a indiqué une source judiciaire.

Selon leurs avocats, Me Lev Forster et Bernard Maingain, leurs explications «ont donné un tout autre éclairage à ce dossier». Leurs clients, ont-ils dit, auraient apporté des «éléments» démontrant que la procédure judiciaire française «était le produit d'une manipulation». Les juges d'instruction ont levé les mandats d'arrêt à l'issue des mises en examen, ont-ils précisé.

«Il est dommage que ces mises en examen interviennent aussi tardivement, a regretté jeudi Me Philippe Meilhac, l'avocat d'Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais. Elles sont le fruit de la reprise des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda».

La délivrance des mandats d'arrêts en novembre 2006 par le précédent juge d'instruction, Jean-Louis Bruguière, avait provoqué la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France, souvent difficiles en raison du soutien militaire apporté par Paris au régime génocidaire. Elles ont été rétablies en 2009 et le chef de l'État, Nicolas Sarkozy, s'est rendu en février 2010 à Kigali.

Le juge français, se basant sur les témoignages de repentis du FPR, certains revenant par la suite sur leurs affirmations, avait accusé Paul Kagame d'être à l'origine de l'attentat.

Une accusation fermement démentie par Kigali qui a lancé une contre-enquête. Selon des experts britanniques missionnés par le gouvernement rwandais, le missile ayant touché l'avion aurait été tiré du camp des Forces armées rwandaises (FAR) de Kanombe. L'enquête française affirmait plutôt que le tir provenait de la colline de Massaka, où un commando de l'Armée populaire rwandaise (APR) aurait pris position en se déjouant des unités des FAR.

Le gouvernement rwandais a toujours réfuté avoir participé à l'élimination de M. Habyarimana. Une enquête rwandaise, publiée en janvier, a conclu à la responsabilité d'alliés du président Habyarimana qui cherchaient un prétexte pour lancer le génocide.

En novembre 2008, Rose Kabuye, ancienne chef du protocole de M. Kagame, avait été arrêtée en Allemagne. Extradée vers la France, elle avait été mise en examen et laissée sous contrôle judiciaire. Cette mise en examen avait permis au gouvernement rwandais d'avoir accès à la procédure.

En septembre 2010, les juges d'instruction Marc Trévidic et Nathalie Poux se sont rendus au Rwanda. Les accompagnaient dans ce premier déplacement d'enquêteurs dans le cadre de cette enquête, des experts afin de tenter de déterminer le lieu d'où aurait été tiré le missile qui a abattu l'avion présidentiel.

Outre le président rwandais, son homologue burundais Cyprien Ntaryamira et dix autres personnes ont trouvé la mort dans cet attentat considéré comme l'élément déclencheur du génocide rwandais. La justice française a ouvert une enquête en 1998 après la plainte des familles françaises des trois membres de l'équipage de l'avion présidentiel.