L'Égypte attend d'ici mercredi les résultats des législatives, marquées par une domination écrasante du parti au pouvoir, en s'interrogeant sur la perspective d'un système de «parti unique» à l'approche de la présidentielle de 2011.

Le Parti national démocrate (PND) s'est retrouvé en position de quasi-monopole avec le boycott du second tour, qui s'est tenu dimanche, par les principales formations de l'opposition islamiste et laïque.

Selon le journal gouvernemental al-Akhbar, le PND devrait ajouter 209 sièges aux 209 déjà acquis au premier tour, soit 418 des 508 députés à élire.

Une dizaine à peine reviendrait à de petites formations de l'opposition légale, le reste allant à des indépendants qui, traditionnellement, se rapprochent du PND ou s'y rallient une fois élus.

La Haute commission électorale a jusqu'à mercredi soir pour publier les résultats complets.

La future chambre ne comptera plus aucun député issu des Frères musulmans, alors que la confrérie détenait un cinquième des sièges dans l'assemblée sortante.

Le parti libéral Wafd, seule formation de l'opposition laïque à avoir un peu d'audience, a lui aussi préféré se retirer en dénonçant, à l'instar de nombreux observateurs et de la presse non-gouvernementale, une élection marquée par le bourrage des urnes, des résultats falsifiés et des violences.

La Coalition indépendante pour l'observation des élections, qui fédère des associations issues de la société civile égyptienne, a estimé lundi que «la légitimité de l'assemblée était fortement en question».

Ces observateurs dénoncent dans un communiqué «des irrégularités à grande échelle qui ramènent l'Égypte 15 ans en arrière».

Le maintien de la prédominance du PND était attendu dès le départ et le recul des islamistes largement pronostiqué, mais pas jusqu'à aboutir à la quasi-disparition de l'opposition parlementaire.

«Le PND est passé de la domination au monopole», estime l'éditorialiste du journal indépendant al-Chourouq Salama Ahmad Salama.

Pour Amr Hamzawi, du centre d'études américain Carnegie, «l'image de ces élections renvoie à la période d'avant 1970», quand l'Égypte du président Nasser vivait officiellement sous un régime de parti unique, l'Union socialiste arabe.

Le gouvernement pour sa part a démenti l'existence de fraudes massives, ne reconnaissant que des irrégularités limitées sans conséquence pour la validité du vote.

Tout en accusant l'opposition d'être la seule responsable de ses déboires électoraux et de son boycott, certains officiels ont laissé poindre de l'embarras devant le retrait du Wafd, qui aurait pu, avec le reflux des Frères musulmans, devenir la première force d'une opposition peu menaçante.

Le Premier ministre Ahmad Nazif a regretté avant le second tour la défection du Wafd, héritier d'un grand parti nationaliste fondé au début du XXe siècle, interdit sous Nasser puis relancé en 1978.

Certains commentateurs estiment toutefois que cette situation n'est pas pour déplaire à ceux qui veulent faire table rase de toute opposition avant la présidentielle de 2011, dans un climat d'incertitude sur la santé et les projets du président Hosni Moubarak, 82 ans dont 29 au pouvoir.

Les partisans de son fils Gamal, proche des milieux d'affaires, seraient pour certains favorables à une stratégie visant à avoir une assemblée monocolore pour préparer une arrivée sans fausse note de leur champion.

«Le concept de multipartisme n'a plus sa place chez ceux qui ont adopté la nouvelle ligne du PND», écrit Salama Ahmad Salama en allusion aux partisans de Gamal Moubarak, bien que ce dernier eut assuré ne pas avoir d'ambition personnelle.