Les principaux mouvements d'opposition islamiste et laïque ont décidé mercredi de se retirer des législatives en cours en Égypte, en dénonçant des fraudes massives et des violences au profit du parti au pouvoir, qui les a écrasés au premier tour.

Le Parti national démocrate (PND) du président Hosni Moubarak sera ainsi de fait quasiment la seule formation présente au second tour dimanche, face à quelques petits partis de l'opposition légale sans grande audience et à des indépendants.

La décision des Frères musulmans, première force d'opposition, a été prise et doit être annoncée publiquement plus tard dans la journée par leur chef, Mohamed Badie, a indiqué à l'AFP un haut responsable de la confrérie islamiste sous couvert de l'anonymat.

Les Frères musulmans, qui disposent de 88 sièges dans l'assemblée sortante, n'ont eu aucun élu au 1er tour le 28 novembre, et ne se seraient trouvés en ballottage que pour 26 sièges au second.

Interdits mais qui présentent leurs candidats comme «indépendants», les Frères musulmans affirment que leur échec annoncé est dû à des fraudes massives et à des violences à leur encontre, en particulier des centaines d'arrestations dans leurs rangs ces dernières semaines.

Le Wafd, plus important parti de l'opposition légale laïque avec six sièges dans l'assemblée élue en 2005, a lui aussi décidé de se retirer pour protester contre le déroulement du vote, a déclaré à l'AFP son secrétaire général, Mounir Abdel Nour.

«Nous allons nous retirer de l'ensemble de l'élection, y compris pour les deux sièges que nous avons gagnés au premier tour», a-t-il dit.

Sur les 221 sièges pourvus dès le premier tour (sur 508 au total), 209 sont allés au PND, soit 94,5%.

Pour le quotidien indépendant al-Chourouq, ces résultats constituent «un séisme électoral pour l'opposition».

«Si un parti gagne toutes les élections durant trente ans sans aucune exception, cela veut dire que la fraude est devenue une partie intégrante de la structure du régime», estimait quant à lui l'éditorialiste Hassan Nafaa, du journal indépendant al-Masri al-Yom.

Ce scrutin se tient dans un climat d'incertitude politique, à un an d'une élection présidentielle, pour laquelle M. Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis 29 ans, n'a pas encore dit s'il se présenterait. Son entourage assure toutefois qu'il briguera un nouveau mandat malgré les interrogations sur sa santé.

Des observateurs égyptiens indépendants et une partie de la presse ont dénoncé des irrégularités à travers le pays au profit du PND, avec des urnes bourrées, des achats de vote, l'envoi d'hommes de main pour intimider les électeurs, etc.

Dans de nombreux endroits, les observateurs de la société civile et ceux appointés par les candidats d'opposition n'ont pu accéder ni aux bureaux de vote, ni aux centres de dépouillement, selon des témoignages.

Les États-Unis, proche allié de l'Égypte et l'un de ses principaux bailleurs d'aide, se sont dit «déçus» devant la manière dont le scrutin a été conduit, et ont jugé «inquiétantes» les informations sur la fraude.

Les Affaires étrangères égyptiennes ont répondu que ces déclarations constituaient une «ingérence inacceptable dans les affaires intérieures» de l'Égypte.

Le gouvernement a aussi balayé toutes les critiques, affirmant que seules 1.053 urnes sur 89.588, soit 1,2%, avaient été invalidées en raison d'irrégularités.

Le PND a affirmé dans un communiqué que «le problème des courants politiques faible en Égypte, c'est qu'ils cherchent à mettre leurs fautes sur le dos de autres. Le PND n'est pas responsable de leur échec. Il n'est responsable que de la victoire de ses candidats».