Au lendemain de l'instauration de l'état d'urgence en Guinée, un calme relatif semblait prévaloir jeudi dans la banlieue de Conakry et en Moyenne-Guinée, les fiefs du candidat perdant à la présidentielle Cellou Dalein Diallo, troublés par des violences depuis lundi.

Le général Sekouba Konaté, président de transition, avait décrété mercredi l'état d'urgence jusqu'à la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle, après la mort d'au moins sept personnes depuis l'annonce lundi de la victoire d'Alpha Condé avec 52,5%. Cellou Dalein Diallo a été  crédité de 47,5% des suffrages.

Les résultats définitifs seront proclamés par la Cour suprême «au plus tard le 2 décembre», selon un conseiller à la Cour, et non le 26 novembre comme l'avaient indiqué mercredi des sources politiques et judicaires à l'AFP.

Jeudi, les forces de sécurité étaient massivement présentes dans les quartiers de la banlieue de Conakry où les violences post-électorales avaient été les plus fortes, a constaté l'AFP.

Dans la commune de Ratoma, des véhicules chargés de policiers en armes sillonnaient les rues et des parachutistes étaient positionnés aux carrefours, fusil-mitrailleur en mains.

Les habitants de Ratoma, tout comme ceux des villes de Pita, Dalaba et Labé, en Moyenne-Guinée joints par l'AFP, évoquaient dans l'ensemble le retour d'un calme précaire.

«Hier encore, les policiers frappaient les habitants, insultaient Diallo et les Peuls, mais depuis qu'ils ont décrété l'état d'urgence, les gens sont restés dans les maisons et ce matin il n'y a plus de pagaille», assure un commerçant de Ratoma, Ousmane Barry, 22 ans, pro-Diallo.

La plupart des petits commerces restaient fermés mais des marchés étaient en activité, tandis que la circulation, quasiment inexistante depuis lundi, reprenait timidement.

Toutefois, de nombreux habitants de Ratoma affirmaient ne pas avoir pu dormir en raison des rafales tirées par les forces de sécurité qui patrouillaient la nuit.

Selon un décompte de l'AFP, les violences ont au moins fait sept morts en trois jours, dont cinq auraient été victimes de balles tirées par les forces de l'ordre.

De son côté, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), une ONG basée à Dakar, a donné un bilan d'«une dizaine de morts».

Selon elle, l'état d'urgence a été décrété du fait d'«un emballement de la violence ethno-politique» accentué par «l'usage disproportionné de la force» par les policiers et gendarmes accusés de violences «à l'égard de la communauté peule».

L'institut International Crisis Group (ICG) parle de douze morts et a également accusé les forces de l'ordre d'avoir mené «des attaques systématiques» contre les partisans peuls de Diallo. Amnesty international a comptabilisé cinq morts.

Dans un entretien à la chaîne de télévision France 24, Alpha Condé a appelé à l'apaisement. «Il ne s'agit pas de dire: 'un tel est battu, tel parti est battu'. Pour moi, tous les Guinéens doivent se donner la main», a-t-il affirmé.

La France, ancienne puissance coloniale en Guinée jusqu'à l'indépendance en 1957, a «formellement» déconseillé à ses ressortissants de s'y rendre». «La France suit avec préoccupation l'évolution de la situation en Guinée, en particulier les actes de violence de ces derniers jours. Nous les condamnons fermement», a déclaré une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Les États-Unis ont estimé pour leur part que «de tels incidents n'ont pas leur place dans la société démocratique que la Guinée aspire à devenir.

Ayant noté une «aggravation de la situation», le président sénégalais Abdoulaye Wade s'est entretenu avec Condé, Diallo et le premier ministre de transition Jean-Marie Doré, en vue d'une «issue rapide» de la crise.