Les deux candidats à la présidentielle guinéenne se sont déclarés vainqueurs lundi avant la publication des résultats à Conakry où la situation était très tendue, des heurts entre jeunes et forces de l'ordre ayant fait au moins un mort et des dizaines de blessés.

Les résultats provisoires du second tour de l'élection du 7 novembre devaient être proclamés «à partir de 18h00, heure locale (13h00, heure de Montréal)», selon un communiqué du président de la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI), le général malien Siaka Sangaré.

Après 52 ans de régimes dictatoriaux ou autoritaires, les Guinéens avaient voté librement pour la première fois à cette présidentielle. Le 7 novembre ils devaient départager l'ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo, 58 ans, et l'opposant historique Alpha Condé, 72 ans, arrivés en tête au premier tour, le 27 juin.

Tour à tour, tous deux ont affirmé lundi avoir gagné.

Devant des journalistes massés à son domicile, M. Condé a affirmé: «moi je sais que j'ai gagné». «J'ai gagné quatre communes sur cinq à Conakry, toutes les préfectures de Basse-Guinée à part Boké, toutes les préfectures de la Forêt et de la Haute-Guinée. Comment voulez-vous que je ne gagne pas?».

Il a ensuite déclaré, à l'attention de son adversaire: «quand on veut un État de droit, on commence par respecter le suffrage universel».

Quelques heures plus tard, M. Diallo a affirmé qu'il était «en tête», en se basant sur des résultats «purgés» selon lui de «fraudes».

«Nous n'accepterons pas les résultats provisoire publiés par la CÉNI, avant le traitement des réclamations qu'on lui a adressées», a réaffirmé M. Diallo au quartier général de son parti à Conakry.

«Comme nous ne sommes pas entendus par la CÉNI, nous avons pris la responsabilité de faire nous-mêmes ce travail d'assainissement des chiffres (...), on les a purgés des fraudes flagrantes et on se retrouve vainqueurs», a-t-il affirmé.

Ces deux revendications des candidats interviennent dans un climat de tension à Conakry où des affrontements entre de jeunes partisans de M. Diallo et les forces de l'ordre ont fait au moins un mort et des dizaines de blessés, selon une source policière.

Les premiers incidents ont éclaté dans plusieurs quartiers de la banlieue de Conakry dès lundi matin où des groupes de jeunes partisans de M. Diallo ont mis en place des barricades et brûlé des pneus. Ils ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre qui ont riposté à coups de gaz lacrymogènes.

«Ça pétarade de partout, c'est ce qu'on voulait éviter malheureusement!» a indiqué à l'AFP un témoin, Oumar Sadio Diallo, 60 ans, pharmacien à Ratoma, l'un des quartiers les plus touchés, qui a affirmé avoir entendu des «coups de feu».

Dans le quartier de Hamdallaye, une habitation a été incendiée par des manifestants et une petite boutique tenue par un Malinké avait été saccagée, a constaté un photographe de l'AFP.

Diallo a lancé un nouvel appel au calme, exhortant ses militants à «ne pas s'attaquer à une personne, un usager de la route, un militant du camp averse».

La campagne électorale avait été marquée depuis septembre par des violences politico-ethniques, M. Diallo étant d'ethnie peule et M. Condé malinké. Elles ont fait au moins un mort et des dizaines de blessés, selon divers témoignages.

Au premier tour, il y a quatre mois, M. Diallo avait recueilli 43% des voix, devant M. Condé, 18%. Mais cette large avance n'était pas réellement significative, la Cour suprême ayant annulé un tiers des votes.

Le jeu des alliances et l'importance du vote ethnique auraient permis à M. Condé de rattraper son retard.