Les Guinéens votaient dimanche pour choisir le premier président démocratiquement élu de leur histoire, au terme d'une longue attente depuis le premier tour de scrutin du 27 juin, troublée par des violences politico-ethniques.

Après un demi-siècle de dictature et de régimes autoritaires, les 4,2 millions d'électeurs étaient appelés à départager deux civils: l'ancien premier ministre Cellou Dalein Diallo (2004-2006) et l'opposant historique Alpha Condé.

Au premier tour, il y a quatre mois, Diallo avait récolté 43% des voix et Condé 18%. Mais le scrutin reste ouvert, du fait de l'importance du vote ethnique et des alliances nouées entre les deux tours.

Dès le lever du soleil, les électeurs ont afflué dans les bureaux de vote de Conakry. «Tout le monde est pressé d'en finir avec l'ancien système, la gabegie, les détournements. Avant, celui qui s'asseyait au pouvoir, la caisse était pour lui et sa famille», assurait Saidou Cissé, ancien médecin de 67 ans.

Le président élu aura la tâche immense de «sortir le pays de la souffrance», résumait une «petite commerçante» de 67 ans, Assiatou Touré. «Nous n'avons jamais eu d'électricité ni d'eau dans les maisons et mangeons difficilement deux fois par jour», disait-elle.

Le président du régime de transition, le général Sékouba Konaté, a de nouveau appelé à «la paix» et à «l'unité nationale». Se disant «très fier et très content», il a estimé avoir tenu «sa parole» de rendre le pouvoir aux civils, après 26 ans de régimes militaires.

Fin octobre, la campagne avait été marquée par des actes de violences politico-ethniques, à Conakry et dans plusieurs villes de l'Est, qui avaient fait des dizaines de blessés et au moins un mort, selon les témoignages.

Mais en début d'après-midi, aucun incident grave n'avait été signalé.

Deux jours avant, les candidats, issus des deux plus importantes ethnies peule (Diallo) et malinké (Condé), avaient surmonté leurs rancoeurs pour lancer un appel conjoint à la fraternité.

M. Condé a relevé dimanche «quelques problèmes» sans réelle gravité dans certains bureaux. «On espère qu'après ce vote-là, nous allons entamer réellement un processus démocratique de développement pour créer (...) un véritable État qui protège les citoyens et leurs biens et qui impose la loi à tout le monde», a-t-il dit.

De son côté, M. Diallo a estimé que, «dans l'ensemble», le vote «se passait bien» et que «toutes les conditions d'une élection libre et transparente semblaient réunies». «On n'a pas enregistré de violences jusqu'à présent», a-t-il dit en début d'après-midi.

Il a cependant affirmé qu'«à Kouroussa et Siguiri», villes de Haute-Guinée où des attaques contre les Peuls avaient eu lieu en octobre, sa coalition n'avait «pu trouver de représentants pour surveiller les opérations» de vote.

M. Diallo avait passé plus de dix ans au gouvernement sous le régime du défunt général Lansana Conté avant de gagner une stature de «combattant de la liberté» quand il avait été blessé par les militaires, lors du massacre du 28 septembre 2009 (157 morts).

De son côté, M. Condé, 72 ans, conserve une aura d'inusable opposant, n'ayant jamais participé à aucun gouvernement. Il avait été condamné à mort par contumace en 1970 sous le régime d'Ahmed Sékou Touré puis emprisonné de 1998 à 2000 sous Conté.

Entre les deux tours, M. Diallo a notamment obtenu le ralliement de l'ex-premier ministre Sidya Touré (12% au premier tour), un Soussou. De son côté, M. Condé a gagné l'appui d'autres candidats malinké et des anciens ministres Kassory Fofana (Soussou) et Papa Koly Kourouma (Forestier).

Les résultats provisoires ne devraient pas être connus avant mercredi.