Quelque 4,2 millions d'électeurs guinéens doivent désigner dimanche leur président en départageant deux civils, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, qui promettent la «réconciliation nationale» après 52 ans de dictatures, mais aussi l'eau et l'électricité dont sont privés la plupart des foyers.

Après quatre mois d'attente et deux reports du scrutin, le pays est pressé de voter mais redoute de nouveaux troubles à l'annonce des résultats, la campagne ayant été marquée fin octobre par des violences politico-ethniques, à Conakry et dans plusieurs villes de l'est.

Pour le premier tour, le 27 juin, les Guinéens avaient participé dans l'exaltation à la première élection libre de l'histoire du pays, ancienne colonie française indépendante depuis 1958.

Ils avaient alors placé en tête deux leaders de grands partis: un ancien premier ministre sous le régime du défunt général Lansana Conté, Cellou Dalein Diallo (43%), 58 ans, et un opposant historique à tous les régimes successifs, Alpha Condé (18%), 72 ans.

Depuis, les tensions n'ont cessé de s'exacerber entre les deux camps qui se sont mutuellement accusés de fomenter des fraudes. La zizanie s'est installée au sein de la Commission électorale, et c'est finalement un officier d'un pays voisin, le général malien Siaka Sangaré, qui a été chargé de présider cette institution.

«Il y a un très grand risque que les gens sortent dans les rues, après les résultats du vote, parce que le message passe dans les partis politiques que 'si on ne gagne pas, c'est parce qu'il y aura eu tricherie'», estime le représentant de l'ONG International Crisis Group, à Dakar, Richard Moncrieff.

«L'inquiétude s'est installée car les élections se sont 'ethnicisées'. Les Peuls sont pour Cellou et les Malinkés pour Alpha», déplore, dans un café de Conakry, un informaticien de 40 ans, Emmanuel Ajavon, d'ethnie soussou. À une table voisine, un commerçant de 49 ans, Aboubacar Sacko, un Sarakolé, ajoute: «Les tensions sont montées des deux côtés surtout à cause de rumeurs.»

Quand de nombreux militants du parti d'Alpha Condé avaient été hospitalisés, pour des maux de ventre et des vomissements, après un meeting de leur candidat le 22 octobre, la rumeur avait couru que «les Peuls avaient empoisonné l'eau», déclenchant une série d'attaques contre les membres de cette ethnie dans des villes de Haute-Guinée et Guinée forestière. Au moins un commerçant peul avait été tué. Plus de 1800 avaient fui les violences, selon les ONG.

La plupart des Guinéens, lassés des tensions, placent pourtant d'immenses espoirs dans l'élection d'un civil, et se montrent grisés par les promesses - presque semblables - faites par les deux candidats.

«Personne ne pourra plus impunément vous arrêter, vous piller, vous tuer», a lancé M. Diallo au cours de son dernier meeting. Une référence aux exactions et tueries commises sous les régimes d'Ahmed Sékou Touré (1958-1984), du général Lansana Conté (1984-2008), puis sous la junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara jusqu'au régime de transition.

M. Condé a également souhaité que tous les Guinéens «apprennent à se pardonner» et s'est lui-même recueilli sur les tombes de Sékou Touré et Conté, qui l'avaient respectivement fait condamner à mort et emprisonner.

Alors que 5 millions de Guinéens, sur une population de 10 millions, vivraient encore sous le seuil de pauvreté, les candidats promettent que les ressources naturelles considérables du pays - bauxite, fer, or, diamant, pétrole - bénéficieront enfin aux populations, par «l'éducation pour tous», «la santé pour tous» et d'abord le «développement des réseaux de distribution d'eau et d'électricité».