La Côte d'Ivoire a pris du retard dans la préparation d'un vote présidentiel historique le 31 octobre, enfin prévu ce week-end après avoir été reporté six fois en cinq ans. Mais la Commission électorale, confiante, pense néanmoins qu'il se déroulera à la date prévue.

Selon la Commission, seules 45% des cartes d'électeur ont déjà été distribuées hors d'Abidjan, capitale économique et principale ville du pays. Les préparatifs sont également mis à mal par les difficultés de transport, le manque de personnel électoral compétent et les allégations selon lesquelles la société chargée de compter les voix serait liée au président Laurent Gbagbo. Mais le président de la Commission Youssouf Bakayoko s'est dit convaincu que le vote finira bien par avoir lieu.

Depuis un coup d'État qui a déclenché la guerre civile en 2002, la Côte d'Ivoire a été coupée en deux, entre le nord contrôlé par la rébellion et le sud par les forces gouvernementales. L'accord de paix de mars 2007 a permis la constitution d'un gouvernement d'union nationale avec l'ex-rébellion, la démobilisation des rebelles étant la condition sine qua non pour la tenue du scrutin. En face, les milices patriotiques ayant soutenu le régime d'Abidjan réclament aujourd'hui les mêmes primes de retour à la vie civile que les ex-rebelles.

Le mandat du président Laurent Gbagbo s'est achevé officiellement en 2005. Il a été sans cesse prolongé depuis, ce qui lui a offert de facto un second mandat. Et, dans un pays en plein chaos, l'élection présidentielle a été reportée à six reprises. Mais jamais cependant si près du jour J...

À cinq jours de la date désormais fixée pour le vote, le processus était si lent que la présidence a décrété un jour chômé vendredi 29 octobre, afin que le plus grand nombre possible d'électeurs puissent aller chercher leur carte d'électeur.

Le week-end dernier, le scrutin avait failli capoter une nouvelle fois, des candidats de l'opposition objectant que le décompte électronique des voix avait été confié à une entreprise proche du président.

Le premier ministre Guillaume Soro, ex-dirigeant de la rébellion des Forces Nouvelles, joue aujourd'hui les médiateurs entre Gbagbo et l'opposition traditionnelle, a tout d'abord répondu que les bulletins seraient donc comptés à la main, avant de se rendre compte que cela pourrait invalider le scrutin, les résultats devant être rendus publics dans un délai légal de trois jours.

Il est donc revenu sur sa position initiale, mais a précisé que le comptage des voix électroniques serait supervisé par une société suisse pour éviter les risques de fraude.

Ce scrutin historique, après huit ans de guerre civile et de crise politique dans le premier producteur mondial de cacao, voit pour la première fois s'affronter comme trois principaux candidats, les rivaux traditionnels, le président sortant Gbagbo, l'ancien premier ministre Alassane Ouattara et l'ancien président Henri Konan Bédié.

Le pays et la communauté internationale retiennent donc leur souffle, alors que le régime en place est soupçonné de chercher à se maintenir par tous les moyens, via l'intimidation et un climat de terreur.

La mission de l'ONU pour la paix en Côte d'Ivoire travaille avec la Commission électorale, aidant à transporter les urnes et fournissant une escorte à ses responsables, a précisé son porte-parole Hamadoun Toure. «Nous travaillons déjà sur la période post-électorale», a-t-il ajouté: s'assurer que le pays est sécurisé pendant ces moments sous très haute tension qui séparent le vote de l'annonce des résultats est la priorité absolue de l'ONU.

Quelque 400 millions de dollars ont déjà été dépensés pour l'identification des votants et la fabrication de cartes d'électeur biométriques dernier cri, déclenchant les critiques de certains observateurs qui qualifient ce scrutin ivoirien d'élection la plus chère au monde.

Mais si au bout du compte, les Ivoiriens sont en mesure de rétablir par les urnes la légitimité démocratique à la tête du pays après dix ans de crise, cela en aura valu la peine, estime Hamadoun Touré. «Nous touchons au but. Cela aura pris longtemps», dit-il.