«Mozambicain: prépare-toi pour le grand jour de grève. Manifeste contre la hausse des prix de l'électricité, de l'eau, des transports et du pain. Fais suivre ce message.»

Ces quelques lignes ont suffi à embraser les faubourgs de Maputo, où des milliers de personnes sont descendues dans les rues mercredi. Débordée, la police a ouvert le feu à balles réelles et treize personnes sont mortes au cours des trois jours d'émeutes qui ont suivi.

«Le message a fait le tour du monde», assure Samira, une commerçante de 35 ans qui vit dans le bidonville de Mafalala, en périphérie de Maputo, où les violences ont été particulièrement fortes.

«Même moi, quand je l'ai reçu, je l'ai envoyé à mes amis, à ma soeur avec cette phrase: + je vous demande SVP de lire ce message.»

Pour le militant Joao Pereira, qui dirige le Mécanisme de soutien à la société civile du Mozambique, «cette technologie est un nouveau moyen de donner une voix, un pouvoir, un moyen d'expression aux pauvres».

Les pauvres «ne sont jamais représentés, ils constituent le groupe qui vote le moins», souligne-t-il. Le téléphone portable «est pour eux une source d'émancipation. C'est un moyen d'augmenter la participation des populations les plus marginalisées.»

Seul un quart des 20 millions de Mozambicains est équipé de téléphones portables, mais c'est deux fois plus que ceux reliés au réseau électrique et ce chiffre a augmenté d'environ 50% par an depuis 2004, selon l'Union internationale pour les télécommunications.

«Il y a déjà eu des manifestations avant, mais elles n'avaient jamais été organisées par SMS», souligne Hares Serafim Mulango, un lycéen de 18 ans également originaire de Mafalala. «Les SMS sont pratiques parce qu'ils informent de situations qui peuvent se dérouler très loin», dit-il.

Ils permettent également de contourner la bureaucratie mozambicaine, particulièrement lente quand il s'agit de délivrer les permis de manifester. Ils servent aussi à faire entendre les voix critiques malgré la domination des médias d'État et la faiblesse de l'opposition.

La semaine dernière, les textos ont porté la contestation contre le président Armando Guebuza et son parti, le Front de libération du Mozambique (Frelimo) au pouvoir depuis l'indépendance de l'ancienne colonie portugaise en 1975.

Le chef de l'État, un millionnaire souvent présenté comme l'homme le plus riche du pays, a emporté plus de trois quarts des suffrages aux dernières élections, en novembre dernier.

Mais son gouvernement a été incapable d'enrayer la chute de la devise nationale, le metical, qui a perdu 43% en un an face au rand sud-africain. Cette dépréciation a renchéri le prix des denrées de base dans un pays très dépendant des importations.

Après un conseil de crise, le gouvernement a appelé jeudi au calme mais répété que la hausse des prix était «irréversible». Immédiatement de nouveaux textos ont vu le jour:

«Mozambicains: le gouvernement semble s'être réunijuste pour prendre un café ou un verre de whiskey mais pas pour résoudre les problèmes du peuple», disait l'un d'eux. Plus sévère, un autre tranchait: «Guebuza est dans les vapes!»