Quand le président sud-africain, Jacob Zuma, se rend en visite officielle à l'étranger, il est accompagné de trois premières dames. Or, sa polygamie irrite de plus en plus de gens. Les Sud-Africains se demandent maintenant ouvertement s'il ne se sert pas des coutumes ancestrales comme prétexte pour justifier son trop grand appétit sexuel, raconte notre journaliste.

Quand les infidélités de la femme du président Jacob Zuma ont fait les manchettes, quelques jours avant le coup d'envoi du Mondial, les Sud-Africains ont eu une drôle de réaction. «You go girl!» a titré la presse à scandale. Des chroniqueurs l'ont applaudie. Une station de radio a qualifié ses frasques de «victoire pour les femmes».

Personne, ou presque, pour s'apitoyer sur le sort du président Zuma, qui venait d'apprendre par la presse que sa femme de 35 ans, Nompumelelo Ntuli, avait entretenu une relation extraconjugale avec son garde du corps. Pire, ce dernier aurait mis la première dame du pays enceinte, avant de mettre fin à ses jours.

Pour comprendre l'étrange réaction des Sud-Africains, il faut la mettre en contexte. En fait, Mme Ntuli n'est pas exactement la première dame, mais plutôt la «deuxième première dame», comme on la surnomme dans les salons de Johannesburg. Il y a aussi une «première première dame». Et une «troisième première dame». Et deux fiancées. Et d'innombrables maîtresses.

Les enfants? Il y a longtemps qu'on a perdu le compte. M. Zuma en aurait une vingtaine d'au moins huit femmes, selon les estimations les plus modérées.

Jacob Zuma, jadis gardien de chèvres au KwaZulu-Natal, n'a jamais renié ses origines. Au contraire, le président perpétue toujours avec enthousiasme les croyances et les traditions zouloues - dont la polygamie fait partie.

Appétits sexuels

Jusque-là, les Sud-Africains n'y voyaient pas vraiment de problème, même si les trois quarts d'entre eux sont chrétiens. Après tout, ils forment une nation arc-en-ciel, avec toutes les différences que cela implique. Depuis 2000, la loi sud-africaine reconnaît d'ailleurs les mariages polygames.

Le président Zuma a défendu ses pratiques en se moquant de l'hypocrisie du mariage à l'occidentale. «Il y a plein de politiciens qui cachent leurs maîtresses et leurs enfants», a-t-il dit. «Je préfère être ouvert. J'aime mes femmes.»

Sauf que M. Zuma a poussé le bouchon un peu trop loin.

À la fin du mois de janvier, quelques semaines seulement après son mariage avec sa troisième femme, les Sud-Africains ont appris avec stupéfaction que leur président de 67 ans était à nouveau papa. Sa maîtresse -la fille de son vieil ami Irvin Khoza, grand manitou du soccer en Afrique du Sud- avait accouché trois mois avant les épousailles.

C'est la goutte qui a fait déborder le vase. Après avoir tenté de se défendre en invoquant sa culture zouloue, le président a été forcé de s'excuser. Cette fois, les critiques fusaient de partout - pas seulement des Blancs ou des féministes.

Pour de nombreux Sud-Africains noirs, M. Zuma se sert des coutumes ancestrales comme prétexte pour justifier ses propres appétits sexuels. Or, la polygamie traditionnelle répond à des règles très strictes, que le président brise allègrement.

Sexe à tout-va et sida

Même les traditionalistes sont mal à l'aise. «Un leader n'a pas à abandonner ses traditions. Jacob Zuma est zoulou, alors il n'a pas tort de pratiquer la polygamie», estime Velaphi Mkhize, directeur de l'Institut africain Umsamo, à Johannesburg. «Mais il y a une façon de le faire. Avec cet enfant né hors mariage, il envoie une mauvaise image des Africains au reste du monde.»

Il donne aussi un bien mauvais exemple aux Sud-Africains eux-mêmes, disent les critiques. La polygamie est une chose. Le sexe à tout-va en est une autre, tout particulièrement dans ce pays où près d'un adulte sur cinq est séropositif. Or, la naissance du bébé laisse croire que le président ne semble pas s'embarrasser de condoms.

M. Zuma aurait pourtant dû avoir sa leçon. En 2006, lors d'un procès pour viol, il avait admis avoir eu une relation sexuelle non protégée -mais consensuelle, selon lui- avec une jeune femme séropositive. Acquitté, le politicien avait tout de même provoqué la fureur des organismes de prévention du sida en déclarant avoir pris une douche afin de réduire les risques d'infection.

Critiqué de toutes parts -même par l'ANC, dont certains leaders sont furieux de voir leur chef devenir l'objet de toutes les moqueries-, Jacob Zuma sera peut-être tenté de modérer ses ardeurs à l'avenir. D'autant plus que ses appétits coûtent cher: le soutien versé à sa large famille s'élève à 2 millions de dollars par an. C'est le bout de l'histoire que les contribuables sud-africains ne trouvent pas drôle du tout.