L'Afrique du Sud a vidé ses carrefours des prostituées, mendiants et enfants des rues, en un grand nettoyage avant la Coupe du monde de soccer visant, selon des associations, à dissimuler les populations qui dérangent.

«Les gens sont retirés de la rue et envoyés dans des refuges, mais ce sont des camps de concentration», tonne Warren Whitfield de l'Addiction Action Campaign, une organisation spécialisée dans l'aide aux toxicomanes.

«C'est une violation de notre droit constitutionnel», affirme-t-il, accusant son pays d'attenter «aux droits de l'Homme pour préparer cet événement mondial».

À Durban (sud-est), où aura lieu une demi-finale, le front de mer est inhabituellement calme. Depuis la rénovation de la promenade (pour environ 20 millions d'euros), les clochards et vendeurs à la sauvette se sont envolés.

Quant aux 400 enfants qui survivent d'ordinaire dans les rues de la ville, ils ont été en majorité transportés par la police dans un foyer en périphérie, selon plusieurs associations.

«Ils nous ont dit de retourner d'où nous venons. Ils disent que Durban est sale à cause de nous», a témoigné un jeune de 13 ans au journal The Times.

Le quartier malfamé des docks, près du plus grand port du continent, a également dit adieu à ses prostituées, remplacées par des commerces de luxe et des appartements de standing.

Les autres villes-hôtes ne sont pas en reste. Au cours des deux derniers mois, Johannesburg s'est vidé des aveugles zimbabwéens et des mères avec enfant qui mendiaient aux principales intersections de la ville.

«Leur présence viole les règlements municipaux et nous les arrêtons (...) C'est un exercice de police classique, que nous avons intensifié en vue du Mondial», reconnaît Edna Mamonyane, porte-parole de la police municipale.

 

Le plus de séropositifs au monde

«Dans la plupart des cas, les femmes avec enfants ou les handicapés sont envoyés dans des centres sociaux», ajoute-t-elle. «Seules les prostituées nous donnent vraiment du fil à retordre. Nous les arrêtons chaque jour de nouveau».

La prostitution est illégale en Afrique du Sud. Pour des raisons de santé publique, plusieurs groupes de pression plaident pour sa décriminalisation pendant le Mondial, du 11 juin au 11 juillet.

Mais devant l'opposition farouche d'associations familiales et religieuses, les autorités ont opté pour une approche à la dure. Dès septembre, la ville du Cap (sud-ouest) a ainsi mis en place une «Brigade du vice».

Cela n'empêchera pas les prostituées d'offrir leurs services aux fans de foot, souligne la Cellule d'action pour l'éducation et la défense des travailleurs sexuels (Sweat), basée au Cap.

«Nous pensons plutôt voir une augmentation de l'activité des travailleurs sexuels pendant la Coupe du monde», relève l'organisation. «C'est effrayant quand on sait que notre pays a le plus grand nombre de séropositifs au monde.»

Quelque 5,7 des 48 millions de Sud-Africains sont porteurs du virus du sida. Le taux de prévalence du VIH est de plus de 45% chez les prostituées, selon la seule étude sur le sujet publiée en 1998.

Puisque les prostituées seront obligées d'agir dans la clandestinité, Sweat conseille d'orienter les campagnes de prévention vers les supporteurs.

L'association veut distribuer préservatifs et lubrifiants dans des paquets ornés de ballons ronds dans tous les bars où les matches seront rediffusés, sous des affiches prévenant: «Ne partez pas sans capote!»