Les insurgés islamistes qui se sont emparés d'un des principaux repaires de pirates dans le centre de la Somalie ont affirmé vouloir y imposer la loi islamique et mettre fin aux activités des pirates, dont la plupart ont trouvé refuge plus au nord le long de la côte.

«Harardere fait désormais partie des villes de Somalie où la Charia est appliquée», a déclaré à l'AFP cheikh Ahmed Abu Yahya, un commandant du mouvement Hezb al-Islam.

«Nous sommes venus à Harardere pour y planter le drapeau de l'islam. Il n'y aura plus de piraterie ou d'activité criminelle de quelque sorte. À partir de ce jour, les gens obéiront à la loi islamique», a assuré Ahmed Abu Yahya.

«Tous ceux qui tenteront de s'opposer à la Charia mourront au fil de l'épée des moujahidine. Aucun obstacle à la mise en oeuvre de la Charia ne sera toléré», a-t-il menacé.

Les insurgés du Hezb al-Islam se sont emparés dimanche sans rencontrer de résistance d'Harardere, petit port de pêche à 500 km au nord de Mogadiscio devenu ces deux dernières années l'un des principaux repaires de pirates somaliens et l'une des «capitales» mondiales de la flibuste.

Ce nouveau développement, dans un pays livré au chaos et à la guerre civile depuis 1991, fait craindre un possible mélange détonant entre islamisme extrémiste et piraterie internationale.

Face à un gouvernement de transition très affaibli présent uniquement à Mogadiscio, les insurgés shebab, qui ont fait allégeance à Al-Qaeda, et le Hezb al-Islam, contrôlent la quasi-totalité du centre et du sud du pays, promettant d'y instaurer un État islamique et rivalisant dans la surenchère jihadiste contre les «apostats».

L'avancée du Hezb al-Islam sur Harardere survient alors que la communauté internationale lutte péniblement contre les pirates au large de la Somalie, qui ont empoché en rançons des dizaines de millions de dollars.

Une flottille de navires de guerre de différents pays patrouille depuis plus d'un an dans le golfe d'Aden, mais peine à freiner le phénomène qui s'étend désormais beaucoup plus à l'est dans l'océan Indien, jusqu'autour des Seychelles.

Les islamistes «veulent avoir un accès direct à la mer» et au Yémen voisin, pour faire venir armes, munitions et volontaires étrangers, a accusé un pirate, Mohamed Hassan.

Certains experts soulignent également les importants revenus financiers dont pourraient bénéficier les islamistes s'ils reprenaient en main le «business» local de la flibuste.

Reste qu'en 2006, les islamistes s'étaient déjà emparés de Harardere pendant près de six mois, période pendant laquelle ils avaient mis fin aux activités des pirates.

Les miliciens du Hezb al-Islam patrouillaient lundi matin dans les rues de Harardere où ils interrogeaient les habitants sur la présence de pirates, selon des témoins.

Ils «ne sont pas encore intervenus le long de la côte», a déclaré à l'AFP Abdi Yare, un chef pirate de la localité d'Hobyo, à environ 220 km au nord d'Harardere, où de nombreux flibustiers se sont repliés.

«Ce qui n'a pas empêché les pirates d'éloigner des côtes plusieurs bateaux sous leur contrôle, dans l'hypothèse où les islamistes tenteraient de s'en emparer», a poursuivi M. Yare. Trois navires ont été ainsi amenés vers Hobyo, selon des pêcheurs locaux.

«Les pirates ont peur des islamistes. Il n'y en a plus un seul en ville, tous ont fui vers Hobyo, on n'arrive même plus à les joindre sur leurs téléphones portables», a précisé l'un de ces pêcheurs, alors que beaucoup de pirates avaient été vus la veille en train d'entasser télévisions et objets en tout genre dans leurs 4X4, avant de prendre la fuite.

«Ces pirates étaient les rois de la région, ils vont riposter, car ils ne peuvent pas abandonner ainsi leurs sources de revenus», a estimé un habitant, Ali Muktar.