L'opposante rwandaise Victoire Ingabire, rentrée d'exil en janvier et candidate déclarée à l'élection présidentielle d'août au Rwanda, a été arrêtée mercredi à Kigali et sera poursuivie pour «association avec un groupe terroriste» et «négation du génocide».

Mme Ingabire est présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), un parti encore officieux mais qui l'a désignée comme candidate à la présidentielle d'août prochain à laquelle devrait participer Paul Kagame, l'ancien chef rebelle au pouvoir depuis 1994.

Elle a été arrêtée mercredi vers 10H00 à Kigali, selon la police, et présentée l'après-midi même devant le Tribunal de grande instance de Gasabo, dans la ville de Kigali, indique un communiqué du parquet général.

L'opposante a été formellement mise en accusation pour «association avec un groupe terroriste, propagation de l'idéologie du génocide, négationnisme (du génocide) et divisionnisme ethnique», a précisé le parquet général.

Elle est notamment accusée d'association avec les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), basées dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), et dont certains ont participé au génocide de 1994.

«Le dossier du procureur contre Mme Ingabire est basée sur des faits et des preuves. Son engagement en politique ne signifie pas qu'elle se trouve au dessus de la loi», affirme le procureur général Martin Ngoga cité par le communiqué.

Le magistrat souligne également que les faits reprochés à l'opposante sont «extrêmement graves et ne doivent pas rester impunis».

«La cour décidera jeudi si elle reste en détention préventive comme demandé par le procureur ou si elle doit être libérée provisoirement en attendant le procès sur le fond», selon le même communiqué.

Le 16 janvier, le jour même de son retour au Rwanda, l'opposante dont le parti n'a pas encore été officialisé, avait demandé, après avoir déposé des gerbes de fleurs à un mémorial du génocide à Kigali, que les auteurs de crimes commis contre les Hutu en 1994 soient également jugés.

Le régime rwandais accuse depuis Mme Ingabire, une Hutu, d'avoir nié, par de tels propos la réalité du génocide de 1994, au cours duquel au moins 800 000 personnes selon l'ONU, essentiellement Tutsi, avaient été tuées.

Elle a été interrogée à plusieurs reprises par la police et s'est vu interdire fin mars de quitter le territoire. Elle a annoncé à plusieurs reprises son intention de participer au scrutin présidentiel.

Dans un communiqué, les FDU ont condamné cette «violente arrestation». «C'est une tragédie pour le Rwanda qu'un appel à la justice pour tous les Rwandais, sans distinction d'ethnie ou d'affiliation politique, et au dialogue national (...) soit transformé en de telles accusations(...)», selon les FDU.

L'arrestation de Mme Ingabire est «un défi à la dignité du peuple rwandais mais également à la communauté internationale, en particulier aux gouvernements étrangers qui sponsorisent le régime», ajoute le communiqué.

Le président sortant Paul Kagame, dont le Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion) avait mis fin en 1994 au génocide, doit participer à la présidentielle d'août. Homme fort du pays, il avait été élu président en 2003 lors de la première élection présidentielle post-génocide.

Cette arrestation intervient par ailleurs après l'interpellation, la mise à l'écart ou la fuite à l'étranger de plusieurs hauts responsables de l'armée et anciens cadres du régime, Tutsis anglophones issus des rangs de l'ex-rébellion FPR.