Les sacrifices humains, dont sont particulièrement victimes les enfants, sont à la hausse en Ouganda, où la croyance veut que les remèdes concoctés à partir d'organes génitaux, de nez ou de langues, apporteraient richesse et santé.

Quinze enfants et 14 adultes ont été tués lors de meurtres rituels en 2009, contre seulement trois en 2007, selon la police ougandaise. Selon des chiffres non officiels, 154 suspects auraient été arrêtés en 2009, et 50 poursuivis en justice, pour ce type de meurtres rituels. Un rapport du département d'Etat américain publié en avril révèle que les enfants sont particulièrement visés.

A Jinja, trois cas présumés de sacrifices d'enfants ont été rapportés ces derniers mois. Selon la police, Caroline Aya serait l'une de ces victimes. La fillette de huit ans avait été enlevée en janvier dernier devant sa maison par un voisin et son cadavre retrouvé quelques jours plus tard, la langue coupée.

La police ougandaise a mis sur pied, l'année dernière, une force spéciale d'intervention contre les sacrifices humains. Les Etats-Unis ont investi 500 000 dollars  dans la formation de 2 000 policiers ougandais chargés d'enquêter sur les délits liés au trafic humain, comme les meurtres rituels.

Selon Moses Binoga, chef de cette force spéciale, l'augmentation des sacrifices humains en Ouganda serait liée à la croyance selon laquelle les remèdes à base d'organes humains rendent riche. Croyance qui selon lui est notamment alimentée par la popularité de films violents nigérians, tous basés sur l'histoire d'une famille devenue riche après un sacrifice humain.

«J'appelle cela un problème de désorientation psychologique», explique Moses Binoga. «Les gens sont désorientés. Les gens n'ont plus de respect pour l'humanité et croient davantage à la valeur de l'argent et à la soi-disant bonne fortune, et ils perdent ce respect naturel et social pour les gens».

Les sacrifices sont une pratique courante chez les guérisseurs traditionnels, ou médecins-sorciers, qui occupent une place privilégiée dans la société ougandaise.

«Guérisseur traditionnel détenant des pouvoirs sur les esprits. Résout tous types de problèmes: démons, voleurs, caries dentaires, crises de démence, épilepsie, problèmes sexuels», peut-on ainsi souvent lire sur des pancartes, comme celle du professeur Gabogola, sur la route de Kampala, la capitale ougandaise. Musa Nsimbe, de son vrai nom, se défend de pratiquer des sacrifices rituels, mais dit possible que d'autres le fassent.

Livingstone Kiggo, guérisseur de 60 ans, explique en effet que le sacrifice fait partie des remèdes traditionnels du guérisseur: sacrifier une chèvre, un mouton ou un poulet permet d'invoquer les esprits et les ancêtres.

Toutefois, tuer des êtres humains ne fait pas partie de la pratique, affirme-t-il, estimant que les morts sacrificielles sont le fait de personnes qui «veulent détruire le travail des guérisseurs traditionnels». «Ce sont des meurtriers. Ce ne sont pas des guérisseurs», condamne-t-il.

En 2008, un homme lui a ainsi proposé de lui vendre un enfant. Alertée, la police a mis sur pied une opération d'infiltration qui a permis de piéger un homme qui essayait de vendre son neveu pour 2 000 dollars (environ 1 500 euros). Police et avocats font état de plusieurs cas dans lesquels des familles pauvres ont tenté de vendre leurs enfants à des guérisseurs.

Début février, Moses Binoga a organisé à Jinja une réunion publique sur les sacrifices rituels, à laquelle ont assisté 500 personnes. Beaucoup ont mis en cause la corruption de la police, la lenteur des enquêtes et le manque de condamnations par les tribunaux. Sur quelque 30 personnes poursuivies pour meurtres rituels l'année dernière, aucune n'a encore été condamnée.

«Il y a un manque de volonté politique pour protéger les enfants. Nous avons de bonnes lois mais un manque de volonté politique», a estimé Haruna Mawa, porte-parole de l'agence de protection de l'enfance ANPPCAN, qui a apporté son aide dans plusieurs affaires de sacrifices d'enfants.

«Aussi longtemps que nos lois resteront dans les limbes, nous créerons un terrain fertile à l'escalade des sacrifices d'hommes et d'enfants. Pas de condamnations. Quel message donnez-vous à la police?», s'est demandé M. Mawa.

Pour protéger leurs enfants, certains parents recourent à la circoncision ou au piercing, deux pratiques qui les rendent impurs aux yeux des adeptes des sacrifices humains. D'autres ont choisi de ne plus quitter sa progéniture d'une semelle. Comme le père de Caroline Aya, qui accompagne tous les jours à l'école lui-même les trois enfants qui lui restent.

Les sacrifices humains continuent à être pratiqués dans de nombreux pays comme l'Inde, l'Indonésie, l'Afrique du Sud, le Gabon et la Tanzanie.