Des dizaines de partisans d'Eugene Terre'Blanche, l'extrémiste sud-africain tué samedi, convergeaient dimanche autour de la ferme de l'ancien champion de la suprématie blanche, criant leur peur et leur colère.

Devant le portail bloqué par la police, quelqu'un a drapé un drapeau aux quatre couleurs de l'ancienne République Boer. Certains déposent des gerbes de fleurs, d'autres prient, en larmes. Tous les visages sont blancs.

Mais c'est la colère qui domine. Le meurtre, qui serait dû à une dispute pour des salaires non payés avec des employés de l'exploitation, a ravivé la crainte omniprésente d'un massacre des fermiers blancs.

«Vous voyez comment c'est, ici!», lance aux journalistes un des partisans du fondateur du Mouvement de résistance afrikaner (AWB), groupuscule militant pour la suprématie blanche qui s'est opposé à coup d'attentats et d'attaques à l'avènement de la démocratie multiraciale au début des années 1990.

«Ils tuent nos fermiers», affirme l'un d'eux, refusant d'être nommé par crainte de «représailles». «Tuer un vieil homme, comme ça, dans son sommeil, il n'y a pas de quoi être fier», ajoute-t-il.

Eugene Terre'Blanche, 69 ans, a été retrouvé battu à mort. Son corps gisait dans son lit.

La violence est élevée dans les exploitations agricoles d'Afrique du Sud, toujours pour l'essentiel entre les mains des fermiers blancs 16 ans après la fin de l'apartheid.

Près de 1250 personnes ont été tuées entre 1997 et 2007 dans ces terres isolées, où le propriétaire continue souvent d'habiter le bâtiment principal tandis que les ouvriers agricoles se contentent de baraques sans électricité.

«Nous ne sommes pas des racistes. Nous pensons simplement que chacun doit rester avec ceux de sa race», affirme le «commandant» de l'AWB Pieter Steyn, arborant un T-shirt «100% Boer» (fermier en Afrikaans, la langue des descendants des premiers colons néerlandais et huguenots).

Autour de lui, plusieurs portent des armes, ostensiblement. Un vieil homme embrasse son pistolet, qu'il vient de récupérer en sortant d'une conférence de presse du ministre de la Police Nathi Mthethwa.

Ce dernier a rendu visite dimanche à la famille de Terre'Blanche, avant d'appeler les Sud-Africains de toutes races à «ne pas attiser les flammes de la violence».

«Il (le ministre) dit qu'il combat les criminels, tout le monde dit qu'ils combattent les criminels, mais personne ne fait rien», affirme le fermier Pieter Hanekom, qui a lui aussi assisté à la conférence.

«Tuez Malema!», hurle un homme en passant. Julius Malema, c'est le président de la Ligue de la Jeunesse du parti au pouvoir depuis 1994, le Congrès national africain (ANC). Cet habitué des formules sans nuances a déclenché une nouvelle polémique ces dernières semaines, en entonnant une ancienne chanson de la lutte contre l'apartheid, dont le refrain appelle à «tuer le Boer».

«Les partisans de l'AWB vivent dans une peur permanente», remarque le chercheur Emile Coetzee, de l'Université de Johannesburg, venu se rendre compte de l'atmosphère à Ventersdorp.

Le meurtre «a réveillé de vieux spectres», dit ce spécialiste de l'extrême droite. «Les gens se mettent dans la tête que se sont des Noirs qui ont agi à cause de cette chanson».