Une nouvelle tuerie a fait près d'un demi-millier de morts, dimanche, au Nigeria. Le pays le plus populeux du continent africain est en proie à un cycle de violence qui a coûté la vie à 13 500 personnes depuis 10 ans. En apparence, le conflit oppose surtout chrétiens et musulmans. Mais sa source est surtout politique et économique. Réponses à quatre questions pour y voir plus clair.

Q. Qu'est-ce qui a causé la tuerie de dimanche?

R. Au Nigeria, la majorité des musulmans vivent dans le Nord, tandis que le Sud est chrétien. L'explosion de violence du week-end est survenue dans l'État du Plateau, dans le centre du Nigeria, où vit une population mixte: chrétienne et musulmane. Cet État est particulièrement vulnérable aux tensions interethniques et a connu plusieurs épisodes sanglants depuis 10 ans. Chaque fois, l'élément déclencheur est différent. En janvier dernier, c'est la venue d'une famille musulmane dans un quartier chrétien qui a mis le feu aux poudres. En novembre 2008, il y avait beaucoup de tensions électorales. Eric Guttschuss, expert de Human Rights Watch, affirme qu'il est trop tôt pour savoir quelle chaîne d'événements a conduit à la tuerie de dimanche. Mais selon lui, la trame de fond de ces violences interethniques est toujours la même: un système politique qui traite différemment les citoyens considérés comme «indigènes» et ceux que l'on désigne comme des «colons».

 

Q. Quel est le but de cette politique?

R. À l'origine, cette politique visait à mieux gérer la diversité de ce pays. Mais dans les faits, elle a exacerbé les tensions. Dans l'État du Plateau, par exemple, les membres de l'ethnie Foulani, de confession musulmane, vivent peut-être dans le même village depuis plusieurs générations, mais ne peuvent obtenir leur certificat d'«indigène». Certains ne peuvent pas non plus l'obtenir dans d'autres États, où ils n'ont pas de racines. Or, les personnes reconnues comme indigènes ont accès aux emplois dans la fonction publique, aux bourses d'études et à d'autres privilèges. Résultat: la mobilité sociale des «colons» est complètement bloquée, selon Eric Guttschuss. Cette situation crée beaucoup de frustrations dans l'État du Plateau, dont le gouvernement est contrôlé par la majorité chrétienne. Et ce sentiment est d'autant plus aigu que la situation économique est mauvaise. «On ne tue pas à cause de la religion, mais pour des revendications sociales, économiques, tribales, culturelles», affirme l'archevêque d'Abuja, Mgr Onalyekan.

Q. Le gouvernement du Nigeria a-t-il tenté d'apaiser les tensions?

R. À chaque explosion de violence, le gouvernement dépêche les forces de l'ordre pour rétablir la sécurité. Il y a aussi eu des commissions d'enquête sur des explosions de violence. Mais les résultats de ces enquêtes n'ont jamais été rendus publics et les responsables des carnages n'ont jamais été traduits en justice. Ce qui ouvre la porte à un perpétuel cycle de représailles.

Q. La situation risque-t-elle de dégénérer?

R. Par le passé, il est arrivé qu'une flambée de violence dans l'État du Plateau ait été suivie par d'autres éruptions, ailleurs au pays. Selon Eric Guttschuss, comme le gouvernement central ne montre aucune volonté politique pour s'attaquer au fond du problème, ce scénario risque de se reproduire une fois de plus.

 

 

Le Nigeria en bref

Population: 154,7 millions

Capitale: Anuja

Métropole: Lagos

Religions: christianisme (40%), islam (50%), religions indigènes (10%)

Groupes ethniques en cause dans le conflit: Fulani (musulmans), Berom (chrétiens)

PNB par habitant: 1160$US

Espérance de vie: 47 ans

Principales richesses: pétrole, cacao, caoutchouc