Des monceaux de gravats, une forte odeur de poussière prenant immédiatement à la gorge, le site de la mosquée Bab Berdieyinne de Meknès offrait un spectacle de désolation samedi, au lendemain de l'effondrement de son minaret qui a fait 41 morts et 76 blessés.

Les recherches ont été arrêtées en fin de matinée, les secouristes estimant avoir dégagé toutes les victimes de cette catastrophe, unique dans l'histoire du royaume. Les premiers morts ont été remis aux familles et aussitôt enterrés.

Le périmètre de ce lieu de culte vieux de plusieurs siècles, situé dans la médina de Meknès (à environ 140 km à l'est de Rabat), était entièrement bouclé par les forces de l'ordre, qui empêchaient les curieux d'approcher.

Les autorités craignaient que des murs encore debout ne s'effondrent et l'accès au site était interdit.

Les habitants du quartier, Tizimi, étaient sous le choc et les commerces avoisinants ont été fermés par respect pour les victimes. «Ce sont des martyrs, c'est la volonté de Dieu», entendait-on un peu partout.

De nombreux habitants ont toutefois dénoncé la passivité des autorités locales, qui n'ont selon eux pas accordé suffisamment d'attention à ce bâtiment en mauvais état.

Environ un quart du toit de la mosquée s'est effondré lorsque le minaret, l'un des plus élevés de Meknès, est tombé brutalement vers 12h45 locales (et GMT) vendredi, en plein milieu de la prière de la mi-journée (addohr), traditionnellement très suivie.

En dégageant les décombres, les sauveteurs ont formé des amas de terre, de pierres et de poutres brisées. Un grand lustre en métal, probablement très ancien, était visible, encore accroché à une poutre.

Le ciel était dégagé samedi matin, un soulagement après la pluie fine qui est tombée une bonne partie de la nuit, gênant encore un peu plus le travail des sauveteurs qui ont dû procéder manuellement en raison de l'exiguïté des lieux.

De nombreuses ONG ont participé aux travaux de déblaiement, aux côtés des personnels de la protection civile et des pompiers.

Comme toujours après un tel drame, les premiers questionnements et critiques ont commencé à fuser. Des habitants du quartier se demandaient pourquoi la mosquée, construite au 18e siècle après la mort du sultan alaouite Moulay Ismaël, n'a pas profité des travaux de rénovation effectués sur les murailles, voisines, de la médina.

Selon Latifa, une jeune trentenaire au chômage, des instructions avaient pourtant été données pour la rénover en 2008 après la prière du vendredi qu'y avait effectuée le roi Mohammed VI.

Younès Chaker, un militant associatif, a affirmé à l'AFP que le minaret avait une inclinaison de 10 pour cent depuis déjà quelque temps et qu'une étude municipale avait recensé quelque 520 bâtiments à rénover impérativement, dont la mosquée Bab Berdieyinne. «Où est passé le budget prévu pour ces travaux ?», a-t-il demandé.

«Les autorités locales n'ont pas écouté les gens, a pour sa part déclaré Imad Nabali, un habitant du quartier. A quoi servent nos élus ?"

Comme en réponse à ces interrogations, Mohammed VI a ordonné samedi une «expertise urgente» de toutes les anciennes mosquées dans les différentes préfectures et provinces du royaume, a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. «A la lumière des données recueillies, les mesures nécessaires seront prises», est-il précisé.

Le Maroc est soumis depuis plusieurs semaines à de très mauvaises conditions météorologiques et les pluies diluviennes qu'a subie la région de Meknès ont certainement contribué à cette catastrophe.