Dans leur offensive annoncée contre les insurgés shebab à Mogadiscio, les soldats pro-gouvernementaux et la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom) seront aussi jugés sur leur capacité à épargner les civils, aujourd'hui les premières victimes du conflit.

Chaque jour dans la capitale somalienne en guerre, les belligérants s'affrontent dans de meurtriers duels d'artillerie, selon un scénario écrit à l'avance.

Depuis leur bastion densément peuplé de Bakara ou «African village», les shebab lancent une volée d'obus de mortiers visant des positions de l'Amisom ou du TFG (gouvernement).

La riposte - également au mortier - est généralement immédiate, qui s'abat en direction de l'origine présumée des tirs sur les quartiers insurgés, fauchant inévitablement des civils.

Après des mois de relative indifférence, les critiques internationales sont montées d'un cran ces dernières semaines contre ces «bombardements indiscriminés qui ont un impact disproportionné sur les civils», selon le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Somalie, Mark Bowden.

L'ONG Médecins sans frontières (MSF) a récemment dénoncé le «manque total de considération» pour la vie des civils de la part de «toutes les parties».

Amnesty International s'est alarmée «des attaques indiscriminées et disproportionnées (des insurgés), auxquelles les forces pro-TFG ont souvent répondu de la même manière».

«La nature urbaine du conflit et l'échec fréquent de toutes les parties à limiter les violences à des cibles militaires identifiées placent inévitablement les civils dans une situation très risquée», s'inquiétait en janvier le Conseil de sécurité de l'ONU.

La majorité de ces incidents ont lieu en zone shebab, jetant immédiatement, aux yeux de la population locale, le discrédit sur les forces du TFG et de l'Amisom.

«L'Amisom et le gouvernement ne font preuve d'aucune retenue dans leurs représailles», accuse ainsi un militant local des droits de l'homme, sous couvert d'anonymat.

En l'absence de tout observateur indépendant, et dans un contexte d'intense propagande, les responsabilités exactes sont cependant difficiles à établir.

Attentats aveugles, justice expéditive, atrocités en tout genre: «le mépris des shebab pour les civils n'est plus à démontrer», estime une source occidentale dans la capitale.

«Ils n'ont aucun scrupule à bombarder à proximité d'hopitaux, ou en usant de mortiers mobiles montés sur des véhicules, dans l'intention délibérée d'attirer une riposte meurtrière», accuse cette source.

Pour autant, «cela ne justifie en rien la violence des ripostes systématiques du TFG et de l'Amisom», selon le même observateur.

Face à ces accusations, le gouvernement assure essayer de minimiser les dommages. L'Amisom affirme de son côté tout faire pour épargner les civils.

«Nos soldats font preuve du maximum de retenue pour riposter quand ils sont en danger imminent», explique, irritée, une source militaire haut placée au sein de la force. «Ils ne tirent jamais les premiers (...), mais se réservent le droit à l'auto-défense».

«Notre mission est de protéger et d'assister les populations. Pas d'aggraver leur situation déjà très précaire», commente le même officier supérieur.

«En cas d'erreur ou d'accidents, nous mènerons une enquête et les responsables seront punis ou réprimandés», affirme-t-il.

L'UA est parfaitement consciente des effets désastreux de ces dommages collatéraux --sur la scène internationale comme dans les rues de Mogadiscio--, et de la propagande shebab sur le sujet, selon l'un de ces responsables.

«Désormais si par malheur nous tuons des civils, nous le dirons», promet-il.