«Je jouais aux cartes» pour garder espoir et ne pas sombrer psychologiquement, raconte l'ex-otage français Laurent Maurice, libéré samedi après trois mois aux mains d'un groupe armé méconnu du Darfour.

«J'étais seul toute la journée et le soir ils me faisaient venir à côté du feu pour manger. Nous étions toujours à l'extérieur, en pleine brousse», explique à l'AFP cet employé de la Croix-Rouge internationale (CICR), manifestement en bonne santé, barbe fournie et sandales aux pieds.

Les ravisseurs «ne parlaient pas français» et «il y avait toujours d'un côté le prisonnier, de l'autre les ravisseurs», dit-il dans un entretien à l'AFP réalisé samedi soir à l'hôpital militaire «Al-Amal Al-Watani» (l'espoir national) de Khartoum, où il a subi des tests médicaux après sa libération.

«Je pense que dans ces cas-là le mal est toujours (...) psychologique», avance Laurent Maurice.

Comment a-t-il fait pour garder espoir pendant 89 jours de solitude, aux mains de ses ravisseurs? «Je jouais aux cartes. Sur les ordinateurs, il y a le solitaire, ça se joue aussi avec des (vraies) cartes».

«J'ai pensé à la libération, à ce qui allait se passer après, l'espoir fait vivre, comme on dit. Je pensais (aussi) à la famille, aux amis, c'est tout simple, les choses les plus basiques», souligne celui qui n'a pu parler à ses proches pendant sa captivité.

Laurent Maurice, un agronome âgé de 37 ans, avait été capturé le 9 novembre 2009 par plusieurs hommes armés dans le village tchadien de Kawa et transporté dans la région voisine du Darfour soudanais, théâtre depuis 2003 d'une guerre civile meurtrière et depuis mars 2009 d'une vague d'enlèvements d'étrangers.

Un groupe peu connu du Darfour, se présentant comme «les Aigles de libération de l'Afrique», avait revendiqué son rapt, réclamant un million d'euros et exigeant que la France change sa politique dans la «région».

Les relations entre la France et le Soudan sont tendues, Khartoum accusant Paris d'accueillir un important dirigeant de la rébellion darfourie, de soutenir la Cour pénale internationale (CPI) dans son bras de fer contre le président soudanais Omar el-Béchir et d'aider militairement le Tchad.

«Tout ce qui a été fait (de la part des ravisseurs) était fait dans un objectif bien particulier que je n'ai pas cherché à comprendre», raconte M. Maurice, assurant n'avoir jamais été blessé ou menacé par ses ravisseurs qui avaient néanmoins affirmé vouloir le tuer.

«Je pense que c'était clair depuis le début, ils avaient dit qu'ils ne souhaitaient pas me faire de mal, ils avaient leur objectif», ajoute l'ex-otage, dont la première pensée à sa libération a été pour son collègue Gauthier Lefèvre.

Ce Franco-britannique travaillant aussi pour la CICR a été enlevé fin octobre (et est toujours gardé captif à l'heure actuelle) au Darfour-Ouest par des hommes armés, ce qui constitue la plus longue prise d'otage d'un Occidental depuis le début du conflit du Darfour.

«La libération de notre collègue Gauthier, c'est la première chose à laquelle j'ai pensé dès que j'ai su que j'allais être libéré et puis après (j'ai eu) le goût de rire, de voir les gens, voir les collègues, et retourner dans le pays où j'ai été kidnappé, le Tchad», assure-t-il.

«Je veux revoir les gens avec qui j'étais la nuit où ça (l'enlèvement) s'est passé», souligne-t-il encore.

Malgré ces mois de captivité, il assure vouloir continuer à travailler pour la Croix-Rouge. «C'est une vocation», explique-t-il.