Alors que les marines de guerre du monde entier se félicitent de leur «succès» contre les pirates somaliens, responsables locaux et experts s'alarment du nombre croissant de candidats qui viennent s'enrôler chez les flibustiers.

Le 10 décembre, la force européenne anti-piraterie Atalante réunissait ses principaux commandants pour célébrer une «année de succès» contre les pirates. Pour les pirates, décembre aura pourtant marqué la poursuite de l'extension de leur zone d'opération dans l'océan Indien, bien au-delà du golfe d'Aden, jusque dans les eaux de l'archipel des Seychelles.

«Beaucoup de miliciens nous rejoignent chaque jour et c'est l'une des raisons du nombre croissant d'attaques», explique à l'AFP Abdi Yare, pirate du village de Harardere, sorte de capitale régionale de la flibuste située à 300 km au nord de Mogadiscio.

De fait, la saison a été fructueuse: les pirates somaliens détiennent actuellement 11 navires et près de 270 marins.

«Une centaine de nos hommes sont actuellement en chasse» dans les eaux du golfe d'Aden et de l'océan Indien, confie Abdi Yare: «c'est un grand nombre, vu les conditions météo défavorables ces jours-ci, et qui va encore augmenter quand les vents baisseront d'intensité».

Même si elles sont partagées entre des dizaines d'individus, les rançons se chiffrent parfois en millions de dollars et suscitent de nombreuses vocations, dans un pays plongé dans la guerre civile depuis 1991, où le chômage et la misère sont endémiques.

«Des jeunes désoeuvrés entendent parler d'énormes rançons récupérées par les pirates, c'est la seule incitation dont ils ont besoin», s'inquiète Mohamed Abdule, un notable de Harardere.

En 2007, il suffisait d'un grappin, de quelques kalachnikov et d'une petite embarcation pour se lancer à l'assaut de l'un des 20 000 navires passant chaque année dans le golfe d'Aden, l'une des principales routes du commerce maritime mondial.

La menace des pirates a depuis lors entraîné le déploiement d'une armada formée par plus de 15 nations, essentiellement concentrée dans le golfe d'Aden. Mais les pirates se sont adaptés en frappant beaucoup plus à l'est dans l'océan Indien.

«Personne ne nous pourchasse vraiment. Nos hommes vont capturer des bateaux au nez et à la barbe des bâtiments de guerre étrangers», fanfaronne Hassan Ganey, autre pirate basé à Harardere: «quand on voit des bateaux de guerre étrangers, on change tout simplement de route, ils ne nous suivent pas».

«Le business est florissant. Vous vous faites de vrais amis, vous capturez un bateau sans tirer une cartouche et quelques semaines plus tard vous touchez la monnaie!», raconte Gure, apprenti pirate de 23 ans.

Farah Qare, chef d'une marine somalienne embryonnaire, confirme cette popularité grandissante, constatant «depuis quelques mois une augmentation de près de 50% du nombre de jeunes qui s'engagent chez les pirates».

Beaucoup de ces nouvelles recrues s'enrôlent pour une expédition unique, rendant difficile toute estimation du nombre total de pirates en Somalie.

Dans la région de Hobyo et Harardere, les pirates reconnaissaient être au nombre d'environ 500 à la mi-2009.

Harardere, modeste bourgade côtière, s'est ainsi métamorphosée en eldorado de la flibuste, avec ses nouveaux riches et ses aspirants pirates.

«Beaucoup ne connaissent rien à la mer, ils ne sortent pas aujourd'hui à cause de la forte houle. Mais quand le temps va s'améliorer, des centaines vont s'embarquer», promet un ancien, Mohamoud Adan Tuke, qui pour 2010, prédit «la pire année dans l'océan Indien».