Le chef de la junte guinéenne, le capitaine Moussa Dadis Camara, a poursuivi mercredi sa «convalescence» au Burkina Faso après avoir été hospitalisé plus d'un mois au Maroc à la suite de sa tentative d'assassinat du 3 décembre.

Mais l'hypothèse d'un retour en Guinée alors que le pays tente de sortir de la grave crise provoquée par le massacre de plus de 150 opposants le 28 septembre à Conakry, suscite des inquiétudes de la communauté internationale, notamment des États-Unis, et de la population à Conakry. De nombreuses questions restaient mercredi sans réponse. Le chef de la junte est-il parti volontairement du Maroc ou a-t-il été expulsé par Rabat? A-t-il choisi d'aller au Burkina Faso ou souhaitait-il rentrer au pays? Est-il apte, après ses graves blessures, à reprendre son poste?

«Je sais qu'il est parti après avoir été bien soigné au Maroc (...). Notre pays a accompli son devoir», a déclaré mercredi à l'AFP le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri.

Khalid Naciri a démenti toute pression sur le Maroc pour faire partir (ou, au contraire, garder) le capitaine Camara.

«Je pense que le Maroc n'a pas de comptes à rendre à ce niveau, a-t-il souligné. Nous avons eu un comportement strictement humanitaire pour prodiguer des soins à un chef d'État atteint par balles».

«Après plus d'un mois de traitement (au Maroc), et compte-tenu de l'évolution de son état de santé, (Dadis Camara) est arrivé à Ouagadougou y poursuivre sa convalescence», a indiqué mercredi le ministre burkinabè des Affaires étrangères.

Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise guinéenne l'a rencontré dans la nuit de mardi à mercredi dans une villa de la capitale, selon la présidence du Burkina.

Le chef de la junte, gravement blessé par balle à la tête par son aide de camp le 3 décembre, n'a fait aucun discours public depuis cette date.

Risques de guerre civile et de divisions de l'armée, menaces sur les prochaines élections: un éventuel retour en Guinée du chef de la junte suscitait de nombreuses inquiétudes à Conakry.

«Le retour de Dadis Camara dans les conditions actuelles risque de provoquer une guerre civile en Guinée», indique à l'AFP le responsable de la branche guinéenne de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho) Mamadi Kaba.

«Si la communauté internationale veut un nouveau bain de sang en Guinée, qu'elle autorise le chef de la junte à retourner en Guinée», renchérit un cadre de banque.

Cette inquiétude est partagée par la communauté internationale. «Tout effort de la part de Dadis de retourner en Guinée nous préoccuperait», a très vite réagi à Washington un responsable du Département d'État.

Le 22 décembre, devant l'Assemblée nationale française, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner avait souhaité «que M. Dadis Camara reste dans son lit au Maroc et non qu'il revienne» en Guinée «car il serait capable - rien que son retour - de déclencher une guerre civile et on n'en a pas besoin».

Son retour est d'autant moins souhaité par ses adversaires que le président intérimaire, le général Sékouba Konaté, avait suscité un grand espoir de sortie de crise lors d'un important discours le 6 janvier, en se démarquant nettement du capitaine-putschiste.

Il avait annoncé que le premier ministre de la transition serait «issu de l'opposition» et «désigné par elle-même». Mais à ce jour, les opposants n'ont pas réussi à choisir une personne pour occuper ce poste avant l'organisation d'élections générales.

Le président intérimaire devait quitter Conakry mercredi pour se rendre à Ouagadougou et rencontrer le chef de la junte. Mais ce voyage semblait retarder pour des raisons logistiques.

«Le président Dadis rentrera quand il l'aura décidé», affirme Moussa Keïta, ministre secrétaire permanent du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, junte).