Le programme de l'UNICEF pour réduire la mortalité des nourrissons et enfants moins de 5 ans liée aux maladies en Afrique de l'Ouest est un échec, selon une étude publiée mardi, qui montre que le taux de survie est supérieur dans des zones exclues de ce plan.

Entre 2001 et 2005, le Fonds des Nations unies pour l'enfance a consacré 27 millions de dollars (18,6 millions d'euros) à des mesures comme la vaccination des enfants ou la distribution de vitamine À et de moustiquaires de lit pour lutter contre la malaria dans onze pays. L'objectif: réduire le taux de mortalité des nourrissons et moins de 5 ans d'au moins 25% pour la fin 2006.

Mais l'étude publiée mardi sur le site Web de la revue médicale britannique «The Lancet» montre, d'après l'analyse du programme au Bénin, au Ghana et au Mali, que les enfants des zones exclues de cette stratégie avaient de meilleures chances de survie au-delà de 5 ans que les autres.

Déjà l'an dernier, des travaux s'interrogeaient sur le bénéfice réel des programmes de santé de l'ONU, qui ont coûté près de 200 milliards de dollars (138 milliards d'euros) en vingt ans et dont certains pourraient même avoir été contre-productifs.

Pour réaliser l'étude, Jennifer Bryce, de l'École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg, a analysé avec ses collègues les réponses à des questionnaires nationaux. Ils ont ainsi comparé l'évolution entre les zones bénéficiant du Programme accéléré pour la survie et le développement de l'enfant (SDAE, lancé en 2002) et les autres. L'étude a été financée par l'UNICEF, le gouvernement canadien, qui a payé pour plus de la moitié du programme de l'UNICEF en Afrique de l'Ouest, et d'autres partenaires.

Le fait que l'UNICEF ait choisi d'appliquer le SDAE dans des districts à mortalité infantile élevée pourrait expliquer son échec, car du coup l'agence a travaillé dans des régions où le système de santé est particulièrement mauvais, avance Jennifer Bryce. Elle note toutefois que la mortalité a baissé dans toutes les régions examinées, programme ou non.

L'UNICEF a employé des stratégies similaires dans l'ensemble des trois pays, et pas seulement dans les zones du programme, où ces mesures étaient censées être plus intensives et généralisées.

Au Bénin, la mortalité infantile a reculé de 13% depuis le début du SDAE, mais dans les zones hors programme, elle a chuté de 25%. Au Mali, la diminution est de 24% pour les zones SDAE et 31% pour les autres. Des statistiques similaires ne sont pas disponibles pour le Ghana, où les traitements contre la malaria et la diarrhée ont toutefois reculé de manière significative depuis le début du programme onusien.

«D'immenses occasions de sauver davantage de vies ont été manquées», estime Jennifer Bryce, soulignant que le SDAE n'a pas donné la priorité à la lutte contre les maladies les plus meurtrières pour les enfants dans la région: la pneumonie, la malaria et la diarrhée. Pour cela, il aurait fallu payer du personnel de santé formé, et pas seulement distribuer compléments vitaminés et moustiquaires, ajoute-t-elle.

Tirant les enseignements de l'étude, dont les résultats lui ont été communiqués avant publication, l'UNICEF a changé la façon dont le personnel de santé diagnostique et traite la malaria, la pneumonie et la diarrhée dans 46 pays, a déclaré le chef du service santé de l'agence, Mickey Chopra. Le personnel de santé dispose désormais de médicaments pour traiter ces maladies plus vite.

L'étude est l'une des rares existant sur les vies réellement sauvées par les programmes de santé internationaux, qui engloutissent pourtant des milliards d'euros par an. «Je ne pense pas qu'on puisse tirer de ces résultats des arguments justifiant qu'on réduise l'aide à l'Afrique. Ce qu'il faut, c'est de faire plus attention à ce qui fonctionne dans des conditions difficiles», estime William Aldis, qui a travaillé pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en Afrique.

Certains experts estiment que l'UNICEF aurait dû consolider les infrastructures des pays pauvres avant de verser l'argent. Faute d'avoir renforcé les systèmes de santé, «la stratégie de l'UNICEF a été aveuglement optimiste», estime Philip Stevens, de l'institut de réflexion londonien International Policy Network. Pour lui, «rien d'étonnant à ce que le programme ait été un échec complet» car l'agence onusienne aurait dû conditionner le versement des fonds aux résultats.