Le Mali peine à élaborer une riposte face à Al-Qaeda au Maghreb islamique qui a pris l'habitude de séquestrer ses otages européens dans le désert malien, et ses partenaires pressent Bamako d'être «plus présent» sur le terrain de la lutte antiterroriste.

Les autorités ne le confirment pas mais c'est bien sur le territoire malien, dans le Sahara, que seraient retenus six Européens: un Français kidnappé dans le nord du Mali le 26 novembre ainsi que trois Espagnols et deux Italiens capturés en Mauritanie les 29 novembre et 17 décembre.

Le rapt le plus spectaculaire a été celui des Espagnols: enlevés en fin de journée sur la route Nouadhibou-Nouakchott, ils auraient immédiatement été acheminés jusqu'au nord du Mali, parcourant environ 2000 km en un temps record.

Selon des sources sécuritaires concordantes, les six otages sont répartis entre deux groupes d'Aqmi dirigés par deux Algériens, Abdelhamid Abou Zeïd et Mokhtar Belmokhtar alias Bellawar. Pour négocier leur libération, différents médiateurs sont «sur le terrain en train de travailler d'arrache pied», assure une source étrangère. L'un d'eux a même pu apporter des médicament à un Espagnol blessé au moment de l'enlèvement.

Mais Bamako joue «la carte de la prudence», assure une source proche du gouvernement malien, qui ajoute: «Nous marchons sur des oeufs. Nous associons tous les pays d'origine des otages, pour qu'on ne dise pas que c'est le Mali qui négocie avec les terroristes. Nous voulons aider à sauver des vies humaines. Ce n'est pas facile».

Anonymement, un autre officiel malien plaide que le pays de l'ouest-africain est «un peu otage de la situation»: «Quand les ravisseurs viennent dans le désert malien, ce sont les gouvernements des pays d'origine des otages qui nous demandent de ne pas utiliser la méthode forte mais de négocier».

«Et pourquoi les pays qui ont des moyens ne commencent-ils pas eux-mêmes à engager la lutte contre Al-Qaeda?», interroge-t-il, évoquant indirectement l'Algérie dont la presse malienne critique régulièrement la stratégie.

«Le Mali a peut-être peur des représailles, s'il s'engage totalement contre Al-Qaeda», juge un diplomate en poste à Bamako.

Début juin, Aqmi avait pour la première fois annoncé qu'un otage britannique au Mali avait été exécuté. Quelques jours plus tard, un officier et agent de renseignement malien avait été tué à son domicile de Tombouctou (nord).

«C'est vrai qu'Al-Qaeda a menacé directement, au téléphone, des responsables maliens. Mais il ne faut pas de compromis, il faut lutter contre ces bandes», ajoute ce diplomate, qui tempère: «Nous n'avons rien contre le Mali. Très peu de salafistes sont maliens. Les Mauritaniens et les Algériens sont les plus nombreux. Mais il faut que le Mali soit plus présent dans la lutte».

De son côté, une source militaire étrangère constate que «l'Algérie a donné des armes au Mali, les Américains forment les troupes maliennes et ont donné du matériel militaire au Mali, la France aide aussi le Mali». «Mais sur le terrain, nous ne voyons pas de résultats», dit-elle.

«Tout le monde sait désormais où sont, dans le désert malien, les terroristes. Ils sont même isolés. Il faut passer à l'acte et c'est Bamako qui doit donner le signal fort», assure ce militaire étranger.

En juillet, le gouvernement malien avait annoncé une «offensive généralisée» contre Al-Qaeda dans le Sahara. Mais, quelques semaines plus tard, le président Amadou Toumani Touré faisait savoir que, notamment du fait de mauvaises conditions climatiques, l'armée avait stoppé ses opérations.