Bien qu'elle se soit améliorée, la situation au Darfour reste «explosive» et les causes du conflit qui a éclaté en 2003 sont loin d'avoir disparu, a affirmé mardi à l'AFP le commandant de la force ONU-Union africaine (Minuad) dans cette région de l'ouest du Soudan.

«Bien sûr, la sécurité est meilleure qu'elle ne l'était il y a deux, trois ans. Mais l'absence d'affrontements armés entre le gouvernement et un nombre de groupes ne signifie pas que la sécurité prévale», a déclaré le général rwandais Patrick Nyamvumba, en poste depuis le 1er septembre.

«Maintenant, nous avons d'autres formes d'insécurité, nous avons des enlèvements, des vols de voitures avec agression, des vols, des affrontements entre tribus. La situation a beau s'être améliorée, elle reste explosive», a-t-il poursuivi.

«Il n'y a absolument aucune garantie sur le fait que la situation ne va pas empirer, parce que les facteurs qui ont provoqué le conflit, de mon point de vue, existent toujours», a-t-il ajouté.

La Minuad a été la cible de plusieurs attaques cette année. Deux de ses employés civils ont été enlevés en août, avant d'être relâchés 107 jours plus tard, et cinq casques bleus ont été tués en deux jours début décembre.

Le conflit au Darfour - qui a fait jusqu'à 300 000 morts selon l'ONU, 10 000 selon le Soudan - opposait à ses débuts deux groupes rebelles aux forces soudanaises appuyées par des milices arabes. La rébellion s'est depuis fragmentée en une myriade de groupes.

Le prédécesseur de M. Nyamvumba, le général Martin Luther Agwai, avait affirmé que le Darfour n'était plus le théâtre d'une guerre, parlant d'un «conflit de basse intensité». Il faisait écho à des propos très controversés de l'ex-chef de la mission, Rodolphe Adada.

Le général Nyamvumba estime que «l'accent devrait être plus mis sur (...) le processus politique» et sur les tentatives de ramener les différentes factions à la table des négociations, «ce qui semble être le plus grand défi aujourd'hui».

«Il y a beaucoup de travail à faire pour ramener le Darfour à la normalité», a-t-il ajouté.

Un accord entre le gouvernement et les factions faciliterait d'autant plus, selon le commandant de la Minuad, le travail de la force.

«Il y a tant d'acteurs dans le contexte du Darfour. Il devient donc difficile de (...) leur demander de rendre des comptes, de dire "voilà ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord, voici ce que vous êtes censés faire". Alors s'ils entravent l'exécution de votre mandat, vous n'avez rien pour les tenir responsables. Cela complique l'exécution de notre mandat», a-t-il dit.

Autre entrave au travail de la Minuad, la question des hélicoptères militaires.

Deux ans après son déploiement, la mission manque toujours cruellement de ces appareils essentiels en cas d'attaques et pour les patrouilles de nuit dans une vaste région désertique comme le Darfour, où «dans certaines zones, il faut parfois trois à quatre heures pour couvrir 70 km», selon le général.

«Nous attendons cinq hélicoptères de la part de l'Ethiopie, nous les aurons probablement le mois prochain. Mais c'est encore bien moins que ce que nous espérons. Nous avons besoin d'un minimum de 18» hélicoptères», a-t-il affirmé.

Quant au déploiement de la force, le commandant de la Minuad affirme que «la majorité des composantes semble être en place» aujourd'hui, bien que «les retards soient toujours là».

Aujourd'hui, 77% du personnel militaire prévu (15 150 militaires sur un total de 19 500) est déployé et ce chiffre devrait monter à 85% d'ici mars, selon lui. Soixante pour cent des policiers prévus sont en outre sur le terrain.

A terme, la Minuad doit compter près de 26 000 militaires et policiers.