Quatre ans après l'opération de démolition de bidonvilles au Zimbabwe, Chipo Chama vit avec ses deux enfants dans une cabane en bois, sans eau ni électricité. Elle rêve de retrouver un jour sa maison en dur, détruite à coups de bulldozers par les autorités.

Elle économise et attend patiemment de pouvoir reconstruire un foyer décent dans la banlieue de Hatcliffe à Harare, bien loin de là elle vivait avant l'opération Murambatsvina («se débarrasser des ordures» en langue shona).

«Pour l'instant, je n'ai pas de terrain à bâtir, mais nous payons des coopératives locales pour pouvoir avoir une parcelle et construire notre maison», explique cette femme au foyer de 27 ans, mariée à un maçon.

Le gouvernement du président Robert Mugabe a officiellement lancé cette opération villes propres de mai à juillet 2005 pour se débarrasser des taudis et construire des maisons décentes.

À Harare et dans les principales villes du pays, plus de 700 000 habitants se sont retrouvés sans abri et 2,4 millions de personnes qui vivaient de petits boulots sans revenu.

Ce «nettoyage» a également été perçu comme une tentative d'affaiblissement du parti d'opposition de Morgan Tsvangirai, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), si populaire dans les villes.

Depuis, cette formation a remporté les législatives en 2008 et Morgan Tsvangirai a fini par former en février un gouvernement d'union avec le président Mugabe.

Mais rien a changé pour les victimes de l'opération Murambatsvina.

Chipo Chama vit dans des conditions bien plus mauvaises qu'auparavant. Elle a perdu pour 300 dollars (200 euros) de biens - une somme importante dans un pays où 94% de la population est au chômage et le PIB par habitant atteint 200 dollars par an.

Une autre victime, John Chitawa, évalue à 3 000 dollars le total de ses pertes. «J'ai perdu tout ce que je possédais, mon lit, mon armoire, ma radio. J'étais parti à un enterrement quand l'opération a commencé et tout a été détruit», se souvient ce maçon de 49 ans.

John Chitawa, un des rares à avoir reçu une parcelle de terre du gouvernement, a construit une nouvelle maison de quatre pièces. Il attend toujours l'eau courante et l'électricité...

Au lendemain des démolitions, les autorités avaient promis au moins 150 000 nouvelles maisons avant octobre 2005. Seules une poignée ont été construites, parfois sans fenêtre ni toilettes.

L'actuel ministre du Logement, Fidelis Mhashu, reconnaît que deux millions de personnes ont besoin d'un logement. Le gouvernement manque cependant de moyens pour éviter l'apparition d'immenses taudis «comme ceux de Kibera au Kenya», souligne-t-il.

Depuis la formation du gouvernement d'union, les bailleurs de fonds et investisseurs hésitent toujours à revenir dans ce pays d'Afrique australe, ancien grenier à céréales de la région, tant que n'auront pas été réglés les différends entre MM. Tsvangirai et Mugabe portant notamment sur les droits de l'Homme et les réformes économiques.

«Nous recherchons désespérément des fonds internationaux», lance M. Mhashu, en écho aux appels répétés du premier ministre et de son ministre des Finances.