Les militaires qui dirigent la Guinée depuis près d'un an ont gelé le processus de négociations avec l'opposition, jusqu'au retour au pouvoir de leur chef, Dadis Camara, toujours soigné au Maroc et invisible depuis que son aide de camp a tenté de le tuer le 3 décembre.

Dans le même temps, la junte s'en est pris à la France, l'ancienne puissance coloniale, qu'elle accuse d'être partie prenante d'un vaste «complot» pour renverser le régime, ce que la France a immédiatement qualifié de «rumeurs absurdes». À la télévision d'État, le ministre secrétaire permanent du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, junte), le colonel Moussa Keïta, a annoncé mardi soir le gel des négociations avec l'opposition, engagées à Ouagadougou après le massacre d'opposants guinéens le 28 septembre.

«Pour le moment, notre participation aux négociations n'est pas bannie mais suspendue jusqu'au retour (au pouvoir) du président» Dadis Camara, a déclaré le colonel Keïta.

«La junte ne peut pas prendre prétexte» de l'hospitalisation de son chef pour «s'éterniser au pouvoir», a protesté mercredi le président de l'UFD (Union des forces démocratiques), l'opposant Mamadou Bah Baadiko, interrogé par l'AFP.

La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) doit à présent intervenir, juge M. Baadiko, afin d'«obliger la junte à aller à la table des négociations».

Le capitaine Camara avait été blessé par balles, à la tête, le 3 décembre, par son aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba. Depuis, le N°1 du régime a subi une opération chirurgicale à Rabat et y reste hospitalisé.

Les autorités assurent qu'il «va bien» et «rentrera bientôt». Mais bon nombre de Guinéens s'interrogent sur les éventuelles «séquelles» dont souffriraient le capitaine, car ce dernier n'a pas fait d'apparition ni de déclaration depuis la tentative d'assassinat.

Pour l'opposant Baadiko, les bulletins rassurants ne sont que «mensonges»: «La junte a d'abord soutenu que Dadis (Camara) allait à Rabat pour un simple contrôle médical, puis qu'il avait été opéré et était sorti du coma», relève-t-il.

La télévision nationale affirme que la tentative d'assassinat du chef de la junte était «une pièce maîtresse d'un projet de coup d'État». Et elle soutient «qu'il en est de même de la tragédie du 28 septembre», le massacre d'opposants par l'armée qui avait fait au moins 150 morts selon l'ONU.

Sur le plan diplomatique, le ton est monté mardi entre Conakry et Paris.

Le porte-parole du chef de la junte guinéenne, Idrissa Chérif, a soutenu mardi que, selon les aveux de personnes arrêtées, les «services (secrets) français» auraient été impliqués dans la préparation de tentative de meurtre du capitaine Camara.

Le ministre a également accusé le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, de vouloir «préparer un coup d'État pour renverser le régime».

La France a «démenti énergiquement» des «rumeurs absurdes». «Le peuple guinéen attend des élections. C'est cela la priorité», a déclaré le ministère français des Affaires étrangères.

Quand au militaire guinéen ayant tiré sur le capitaine Camara - que les médias d'État appellent «le régicide» - il est toujours en fuite. La récompense promise à toute personne qui aiderait à son arrestation est de «200 millions de francs guinéens (25.000 euros d'euros) et une villa».

Le colonel Keïta assure que la population «en majeure partie et l'armée en général, sont mobilisés» derrière Camara.

Mais à Conakry, un très grand nombre d'habitants ont confié à l'AFP qu'ils ne souhaitaient pas que le chef de la junte reprenne les commandes du pays, et se prononcent en faveur d'une transition avant l'élection d'un président civil.