L'enlèvement de trois humanitaires espagnols par des hommes armés, dimanche en Mauritanie, est une première dans ce pays africain auparavant paisible, qui a subi ces deux dernières années une série d'actions meurtrières revendiquées par Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi).

Ce rapt, attribué aux islamistes armés par la plupart des observateurs, intervient trois jours après celui d'un Français dans le nord-est du Mali voisin, qui serait retenu par «l'aile dure» d'Aqmi selon des sources sécuritaires maliennes. Les coopérants espagnols - deux hommes et une femme - ont été enlevés dimanche vers 18H00 GMT sur la route côtière très fréquentée Nouadhibou-Nouakchott, à quelque 170 kilomètres au nord de la capitale, selon une source sécuritaire mauritanienne.

Membres de l'association Barcelona-Accio solidaria, ils faisaient partie d'un convoi qui acheminait en Afrique de l'Ouest de gros camions chargés d'aide humanitaire, connectés entre eux par radios.

La voiture, en queue de convoi, «a été attaquée par des hommes armés qui ont tiré en l'air pour la faire s'arrêter», a expliqué à l'AFP l'un des humanitaires espagnols du convoi, Josep Carbonell, joint à Nouakchott. «Quand nous avons rebroussé chemin, leur véhicule était vide», a-t-il dit.

Les trois Catalans - Albert Vilalta et Alicia Gamez, des trentenaires, et Roque Pascual, une quinquagénaire - avaient disparu.

L'armée a «bouclé tous les passages connus dans le désert», a affirmé lundi une source militaire, assurant que «l'étau se resserre» pour les retrouver.

Selon le ministre espagnol de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, «tout semble indiquer qu'il s'agit d'un enlèvement». «Si c'est le cas, comme je le crains, tout indique qu'il s'agirait d'un enlèvement d'Aqmi», a-t-il ajouté.

Le directeur du journal mauritanien indépendant Tahalil Hebdo, Isselmou Ould Salihi, juge également qu'«il ne peut s'agir que d'une action d'Aqmi», dont les éléments sont issus de l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC algérien).

Pour lui, les membres de ce groupe veulent «démontrer qu'ils peuvent frapper n'importe où dans le pays en dépit des mesures de sécurité prises par l'armée». Ils visent «l'Europe et particulièrement la France et l'Espagne, qui sont engagées dans la lutte contre Aqmi dans la région, et veulent se donner la possibilité de négocier la libération de leurs combattants détenus à Nouakchott et d'obtenir des rançons», juge ce spécialiste des questions islamistes interrogé par l'AFP.

Il y a encore deux ans, les étrangers partaient sans crainte à l'aventure en Mauritanie, dormant sous la tente traditionnelle ou à la belle étoile.

Mais l'assassinat de quatre Français fin 2007 et les attaques contre les militaires ont traumatisé ce pays d'islam tolérant.

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en juillet après avoir mené un coup d'État en 2008, a maintes fois assuré qu'il ménerait une «lutte sans merci» contre le terrorisme, une fermeté qui lui avait d'ailleurs valu des soutiens de l'Occident. Mais, peu avant son investiture, un Américain a été tué en plein jour à Nouakchott. Puis, en août, un kamikaze mauritanien s'est fait exploser près de l'ambassade de France.

Dans la bande sahélienne, le Niger et le Mali ont été très affectés par les enlèvements d'occidentaux revendiqués par Aqmi depuis un an. Des diplomates canadiens et des touristes européens ont été relâchés, mais un Britannique a été exécuté en juin dans le nord du Mali.

Dimanche, des chefs de tribus de la région de Ménaka (nord-est du Mali) ont lancé un appel pour la libération du Français enlevé jeudi: «Notre région est une région d'hospitalité, de paix. Il faut que ses ravisseurs considèrent que c'est un de nos frères».