Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a prononcé deux acquittements en deux jours, dont celui d'un beau-frère de l'ex président Habyarimana soupçonné d'avoir planifié le génocide de 1994, une décision qualifiée mardi par Kigali «d'humiliation à l'égard des rescapés».

La plus grosse surprise est venue de l'acquittement lundi soir à Arusha, en Tanzanie, où siège le TPIR, de Protais Zigiranyirazo, qui avait fait appel de sa condamnation à 20 ans de prison pour génocide en première instance. C'est la première fois que le TPIR, créé en novembre 1994, prononce un acquittement en appel.

Cette décision était d'autant moins attendue que le bureau du procureur a toujours présenté M. Zigiranyirazo, surnommé «Monsieur Z», comme la principale figure du cercle présidentiel ayant, selon de nombreux auteurs, planifié le génocide.

800000 personnes, selon les chiffres de l'ONU, sont décédées lors du génocide perpétré principalement contre la minorité tutsi entre avril et juillet 1994.

Frère aîné d'Agathe Kanziga, la veuve du président Juvénal Habyarimana dont le meurtre le 6 avril 1994 avait été immédiatement suivi par le début du génocide, M. Zigiranyirazo, 70 ans, était selon les juges de première instance un des membres les plus influents du clan hutu de l'Akazu, soupçonné d'avoir planifié le génocide.

Les cinq juges de la chambre d'appel ont cependant conclu que leurs collègues s'étaient «gravement fourvoyés dans le traitement des preuves» et qu'il n'y avait pas d'autre choix que l'acquittement.

La décision a fait l'effet d'une douche froide au gouvernement rwandais, issu pour l'essentiel de l'ex-rébellion à majorité tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) de l'actuel président Paul Kagame.

Le ministre de la Justice Tharcisse Karugarama, interrogé par l'AFP, a évoqué une décision «regrettable» qui constitue «une humiliation à l'égard des rescapés du génocide».

Mais alors même que les responsables rwandais exprimaient leur amertume mardi, le TPIR acquittait en première instance un autre accusé, d'une envergure bien moindre que «Mr Z» mais au statut assez emblématique puisqu'il s'agissait d'un des quatre religieux poursuivis dans le cadre du génocide.

L'abbé Hormisdas Nsengimana, poursuivi pour génocide, assassinats et extermination, était accusé d'avoir supervisé en 1994 les tueries de Tutsi dans le collège qu'il dirigeait et dans les environs.

L'ancien directeur du Collège Christ-Roi de Nyanza (sud), une des écoles secondaires les plus prestigieuses du Rwanda, était notamment poursuivi pour le meurtre de plusieurs prêtres tutsi. Mais les juges ont estimé les preuves réunies insuffisamment crédibles pour établir sa culpabilité.

Mêlé au public pour son premier jour de liberté, «Mr Z» assistait d'ailleurs à l'énoncé de l'acquittement de l'abbé Nsengimana, ressorti libre de l'audience. «Je remercie Dieu, je remercie mes avocats ainsi que toutes les personnes qui ont contribué à cette victoire de la vérité», a commenté l'homme d'église.

Ces deux décisions portent à huit le nombre d'acquittements prononcés par le  TPIR, qui a ordonné une quarantaine de condamnations allant jusqu'à la prison à perpétuité. Les jugements en première instance de la juridiction internationale doivent se terminer fin 2010.

Plusieurs des principaux responsables présumés du génocide sont toujours en liberté, dont le financier présumé des massacres, Félicien Kabuga. Un responsable américain, l'ambassadeur extraordinaire en charge des crimes de guerre Stephen Rapp, a affirmé lundi que ce dernier était réfugié au Kenya, ce que nient les autorités de ce pays.