S'il y a une activité qui marche bien au Nigeria et ne connaît pas la crise, c'est le kidnapping: longtemps cantonnée dans le sud pétrolier, cette «industrie» s'est répandue depuis quelques mois dans tout le pays.

Jeudi, toute la presse faisait la Une sur l'enlèvement du père du précédent gouverneur de la Banque centrale Charles Soludo. Les ravisseurs ont réclamé 500 millions de nairas (3,3 millions de dollars US). Le mois dernier, le gouvernement avait révélé avoir déjoué deux tentatives d'enlèvements de ministres fédéraux. Selon l'importance socio-économique de l'otage, les demandes de rançon varient souvent entre 700000 et 3 millions de dollars, même si très souvent les ravisseurs revoient fortement à la baisse leurs exigences.

Durant le premier semestre 2009, plus de 500 personnes ont été enlevées dans tout le pays, dont dix ont été tuées, selon le ministre en charge de la police, Yakubu Lame.

«Le kidnapping est devenu une activité économique à part entière avec un «retour sur investissement» incroyablement élevé», écrivait récemment Festus Eriye, un éditorialiste du quotidien The Nation.

«C'est devenu tellement lucratif que si la bourse de Lagos n'était pas en crise, ça y serait côté, ironise Owei Lakemfa, un dirigeant syndical.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: selon Olufemi Ajayi, le patron d'une société de sécurité privée, Risk Control Services, plus de 90 milliards de naira (602 millions US) ont été payés en rançons depuis 2006.

Au départ, à la «bourse des otages», les plus côtés étaient les étrangers expatriés qui travaillent dans le pétrole au sud du pays. Depuis 2006, des dizaines ont été enlevés par des groupes armés et en général relâchés au bout de quelques jours, mais parfois quelques mois.

À coups de millions de dollars les multinationales, qui se sont toujours défendues de payer des rançons, ont renforcé la sécurité et transformé leurs concessions en bunkers.

La plupart des expatriés et leurs familles ont été rapatriées sur Lagos. Du coup les ravisseurs se sont rabattus sur des nationaux nigérians, riches de préférence: religieux, officiels gouvernementaux, artistes, politiciens et leurs familles, des enfants notamment.

Le porte-parole de la police fédérale Emmanuel Ojukwu assure que les «unités anti-terroristes ont été renforcées» pour faire face à cette épidémie d'enlèvements.

La tâche s'avère difficile, car visiblement les ravisseurs sont bien organisés et très mobiles dans tout le pays. Par exemple, il y a quelques semaines le secrétaire général du gouvernement de l'État de Kaduna, Waje Yayok, avait été kidnappé dans cet État du nord et libéré une semaine plus tard à Warri, dans le Delta du Niger, à l'extrême sud.

Dans le même État de Kaduna, une Canadienne du Rotary International, Julianne Mulligan, qui participait à un programme d'échange avait été enlevée en avril dernier mais libérée par la police quelques jours plus tard.

Le gouverneur du Benué (sud), Gabriel Suswam, a récemment affirmé qu'on avait aussi tenté de l'enlever avec sa femme.

Face à cette vague d'enlèvements, cinq États du Sud - Delta, Akwa Ibom, Abia, Ebonyi et Imo - ont décidé de punir de la peine de mort le crime d'enlèvement, un délit qui au niveau fédéral vaut 10 ans de prison à leurs auteurs.

Pour Osisioma Nwolise, professeur à l'université d'Ibadan (sud), la raison du boom des kidnappings est simple: une pauvreté criante, un chômage des jeunes massif, et des inégalités scandaleuses entre riches et pauvres.