Le premier ministre zimbabwéen Morgan Tsvangirai a suspendu vendredi, à cause du renvoi en prison de son allié Roy Bennett, toutes ses relations avec le camp du président Robert Mugabe, précipitant leur gouvernement d'union dans sa crise la plus aiguë.

L'incertitude prévalait toutefois dans la soirée à Harare sur cette décision, après qu'un tribunal eut accepté de remettre Roy Bennett en liberté sous caution. Morgan Tsvangirai a annoncé à la mi-journée qu'il allait boycotter toutes les réunions et les conseils ministériels, parce que son partenaire au gouvernement n'était «pas digne de confiance».

Raison de sa colère: «l'affaire Bennett» qui a, selon lui, révélé au grand jour «que la crédibilité et l'intégrité du gouvernement d'union étaient une fiction».

Cette affaire remonte au 13 février, jour de la mise en place du gouvernement d'union entre le président Mugabe et son ancien rival Tsvangirai, qui vise à mettre un terme à la crise née de la défaite du régime autoritaire de Mugabe, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980, aux élections de mars 2008.

Au moment de la prestation de serment, Roy Bennett était arrêté et placé en prison. Cet ancien fermier blanc, membre historique du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai avait pourtant été désigné vice-ministre de l'Agriculture.

Le MDC avait immédiatement crié à la machination politique, n'empêchant pas l'inculpation de Roy Bennett pour terrorisme et sabotage. Après un mois de prison, il avait obtenu une remise en liberté sous caution.

Les choses en étaient restées là jusqu'à la décision, mercredi dernier, du tribunal de Mutare (est) de le renvoyer en prison jusqu'à l'ouverture de son procès lundi.

Morgan Tsvangirai, qui a dû avaler plusieurs couleuvres au cours des huit derniers mois - notamment sur la nomination unilatérale par Robert Mugabe de plusieurs hauts-responsables et la poursuite des violences contre ses partisans -- n'a pas supporté ce nouvel affront.

«Au cours des huit derniers mois, nous avons dissimulé les défauts et tenté de convaincre le monde entier que tout fonctionnait», a déclaré le premier ministre. «Mais l'arrestation et la détention du trésorier de notre parti a révélé (...) que nous n'avons pas de partenaire digne de confiance».

Quelques heures après ces déclarations, un tribunal de Harare a toutefois renversé la donne en acceptant de remettre en liberté sous caution Roy Bennett.

Le juge Charles Hungwe a estimé peu probable que l'accusé s'enfuit avant son procès. «Il a plus à perdre s'il ne se présente pas au tribunal. On accède donc à sa demande» de remise en liberté, a-t-il dit.

Le numéro 2 du MDC, Tendai Biti a immédiatement salué cette décision d'un tonitruant: «la justice a prévalu!». Mais il n'a pas commenté l'implication de ce jugement sur la position du MDC.

Si Morgan Tsvangirai continue de boycotter ses partenaires gouvernementaux, le pays sera en pleine «crise constitutionnelle», a admis le premier ministre en renvoyant la balle vers l'autre camp. À eux, selon lui, de restaurer la confiance.

«Si la crise devait empirer, la solution évidente serait l'organisation d'élections libres et équitables, organisées par la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) et l'Union africaine (UA) sous la supervision des Nations unies», a-t-il toutefois ajouté.

Ce qui fait dire à Siphamandla Zondi de l'Institut pour le dialogue global que «son désengagement est un mouvement réfléchi pour obtenir l'aide de l'extérieur».

«Tsvangirai essaie d'envoyer un signal fort aux garants de l'accord de partage de pouvoir», la SADC et l'UA, afin qu'ils forcent le bras au président Mugabe, a estimé l'analyste.