Au lendemain de la proclamation de la victoire d'Ali Bongo à l'élection présidentielle, confirmée depuis par la Cour constitutionnelle, la situation restait tendue vendredi au Gabon. S'il régnait un calme relatif à Libreville, des renforts de police ont été envoyés à Port-Gentil, capitale économique du pays, où de nouvelles violences ont été signalées. L'opposition menace de former un gouvernement parallèle et d'appeler à la désobéissance civile.

Après l'incendie jeudi du consulat français à Port-Gentil, les troupes françaises sur place ont été placées en état d'alerte. Mais vendredi, des manifestants s'en sont pris à un poste de police qu'ils ont incendié, alors que la plupart des magasins situés sur le boulevard principal ont été pillés et que des tirs sporadiques d'armes à feu ont été entendus dans la matinée.

Les policiers ont pris position devant les vitrines brisées, alors même que les manifestants incendiaient le commissariat central, selon Dianney Madtzou, rédacteur en chef de la chaîne de télévision locale Top Bendje. Des gangs avaient arpenté librement les rues de la ville la nuit précédente et la police n'est arrivée que vendredi, en provenance de Libreville, selon M. Madtzou.

Dans la capitale, les rues étaient pratiquement vides et seuls y circulaient soldats et policiers, tandis que les habitants sont restés cloîtrés dans la matinée par crainte d'une reprise des violences. Dans l'après-midi, toutefois, certains magasins ont rouvert. «La vie revient à la normale et les gens commencent à ressortir», a commenté Sydney Koumba, un étudiant en droit habitant dans le nord de Libreville.L'opposition continue toutefois à contester les résultats de l'élection.

Louis Gaston Mayila, porte-parole de la coalition soutenant l'opposant Pierre Mamboundou, a qualifié le scrutin de «farce électorale» et a assuré que son champion avait gagné. «Il se pourrait que dans les jours qui viennent Pierre Mamboundou forme un gouvernement», a-t-il déclaré sur France-Inter. Et d'avertir que «ce gouvernement-là donnera des instructions au peuple (...) et lorsque nous dirons «désobéissance civile», lorsque nous dirons «pas de profs dans les lycées», lorsque nous dirons «pas d'infirmières dans les hôpitaux», on verra si ce sont les instructions d'Ali Bongo qui seront suivies».

Successeur de son père décédé en juin après un règne sans partage de 41 ans sur le Gabon, Ali Bongo ne cesse de redire qu'il a remporté légalement la victoire, invitant ses opposants à déposer des recours devant les instances compétentes.M. Mayila a aussi appelé au calme au lendemain des violences contre les intérêts français au Gabon, notamment à Port-Gentil. «On ne brûle pas son propre pays parce qu'une élection a été volée», a-t-il estimé. «Ce n'est pas la peine de toucher à un seul Français. Les Français qui sont au Gabon subissent comme nous les mêmes conditions inhumaines de vie».

À Paris, Bernard Kouchner a réaffirmé que «tout est prêt pour protéger nos ressortissants». Démentant à nouveau toute ingérence de Paris dans la présidentielle gabonaise, le chef de la diplomatie française a écarté pour l'heure toute évacuation de ressortissants.

La France, accusée d'avoir soutenu le fils d'Omar Bongo, compte près d'un millier de soldats au Gabon.Quelque 10000 Français vivent au Gabon, dont 2000 à Port-Gentil, capitale économique du pays. «Nous leur disons (...) de rester chez eux pour le moment», a déclaré sur RTL le ministre qui «pense que la situation ne dégénérera pas, mais (...) tout est prêt pour protéger nos ressortissants».

Le secrétaire d'État à la Coopération Alain Joyandet a par ailleurs déclaré à l'Associated Press que sur le millier de soldats français basés au Gabon, près de 150 étaient positionnés à Port-Gentil. Mais il a souligné qu'aucun «incident majeur» visant la population française n'avait été signalé vendredi.

Il a toutefois maintenu les «consignes de vigilance» pour les ressortissants français pendant tout le week-end.M. Joyandet a ajouté que si la situation reste calme, «le lycée français pourrait rouvrir ses portes lundi», mais que le consulat de Port-Gentil, «partiellement endommagé» par un incendie, restait fermé. Jeudi, les groupes Total et Schlumberger avaient aussi été attaqués.