Élu président du Gabon avec 41,73% des voix, selon l'annonce jeudi du ministre de l'Intérieur, Ali Bongo Ondimba succède à son père resté 41 ans au pouvoir et doit désormais se construire un statut de chef d'État.

Physique de lutteur japonais, calvitie naissante dans des cheveux frisés sans être crépus, «Ali Ben» (Ali fils de), «Ali B.» ou «le fils B.» - certains de ses surnoms - a passé la moitié de ses 50 ans dans les arcanes du pouvoir. Jeudi, il a pris un ton grave pour assurer être «le président de tous les Gabonais». Pendant la campagne, l'homme qu'on disait timide, voire taciturne en public, s'est métamorphosé. Sans doute le fruit du coaching d'une importante équipe de conseillers.

«On lui reprochait d'être dans sa bulle, il semble en être sorti», affirme un haut fonctionnaire.

Les Gabonais ont découvert un Ali décontracté et drôle, tranchant avec l'homme peu loquace des années précédentes, d'où son nom de campagne, «Ali'9» - en référence à la fois au scrutin de 2009 et à l'homme «neuf».

Fils de la chanteuse Patience Dabany, Ali, d'abord tenté par une carrière musicale, a enregistré l'album «A Brand New Man» (1977), produit par l'ex-manageur de James Brown, Charles Bobitt. Il a profité de son talent pendant la campagne: on l'a vu défier sur scène, à la rime, de jeunes rappeurs qui animaient ses rassemblements.

Né Alain Bernard Bongo le 9 février 1959 à Brazzaville (Congo), où son père faisait son service militaire dans l'armée française, il prend le prénom d'Ali en se convertissant à l'islam, en suivant son père, dans les années 1970.

Il entame à Libreville sa scolarité qu'il poursuit en France, où il obtient un doctorat en droit. Son parcours dans les meilleures écoles de Libreville l'ont toutefois empêché d'apprendre les langues locales, un reproche qu'on lui fait souvent.

Jusqu'en 1989, il est représentant puis haut représentant personnel du chef de l'État, son père, également président-fondateur du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir).

Dans ce cadre, il voyage beaucoup, se constitue un important carnet d'adresses et, dit-on, des relations étroites dans le monde arabe et aux États-Unis.

En août 1989, il devient ministre des Affaires étrangères, un poste qu'il est obligé d'abandonner en mars 1991 aux termes d'une nouvelle Constitution qui impose à un ministre d'avoir au minimum 35 ans. Il en a 32.

Revenu en 1999 avec le portefeuille stratégique de la Défense, il occupera cette fonction durant dix ans jusqu'à la veille de l'ouverture de la campagne.

Il est le plus en vue des nombreux enfants Bongo avec sa soeur aînée Pascaline, 53 ans, directrice de cabinet de leur père de 1994 jusqu'à son décès, le 8 juin.

Omar Bongo disait régulièrement qu'ils ne devaient leur poste qu'à leur mérite. «Ce n'est pas parce qu'ils sont fils ou filles de président qu'ils ne doivent pas pouvoir occuper d'importantes fonctions», disait-il lors d'entretiens parus en 1994.

Avec les ambitions prêtées à Ali Bongo, les rumeurs lui attribuent des origines nigérianes et un passé d'orphelin de guerre du Biafra (sud-est du Nigeria).

Faux, répond-il le 25 avril, après plusieurs années de silence.

«Quand je suis né, le Nigeria n'était même pas indépendant. Il (l')est devenu un an après et cette guerre du Biafra a commencé» en 1967, alors que «j'ai déjà 8 ans», déclare-t-il.

Dans les milieux politiques et la société civile, on assure qu'il ambitionnait depuis longtemps le fauteuil présidentiel.

Son investiture comme candidat semble avoir cristallisé des mécontentements au PDG. Des «barons» du parti, dont André Mba Obame, son ami de longue date, ont tenté en vain de le battre.