Lorsque, en 2005, au Soudan, le gouvernement de Khartoum et le plus puissant groupe de rebelles du Sud-Soudan ont signé un accord mettant fin à 22 ans d'un conflit meurtrier, plus d'un litige est resté en suspens. Au coeur des questions non réglées se trouvait le sort d'Abyei, le «Cachemire soudanais». Hier, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a tenté de mettre fin à la dispute en redessinant les frontières de cette région riche en pétrole. Survol des enjeux en quatre questions.

Q Qu'a décidé la Cour permanente d'arbitrage de La Haye?

R Dans un arrêt de 286 pages, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a redessiné les frontières de la région d'Abyei. Les arbitres ont déplacé la frontière orientale de la région, accordant du coup la majorité des gisements pétroliers, dont celui de Heglig, au gouvernement fédéral du Soudan, à Khartoum, dans le nord du pays. Ils ont aussi accordé quelques gisements au Sud-Soudan en plus de terres ancestrales réclamées par la tribu Ngok Dinka, proche du Mouvement de libération du sud du Soudan (SPLM), l'ancien groupe de rebelles qui représentent le Sud-Soudan à la table des négociations de paix. En d'autres termes, la Cour a coupé la poire en deux.

 

Q Comment les deux anciens belligérants ont-ils réagi?

R Même si la décision est surtout à l'avantage du gouvernement de Khartoum, les deux parties au litige ont affirmé qu'elles respecteront la décision de la Cour d'arbitrage. Cette dernière devrait être en vigueur jusqu'à la tenue d'un référendum en 2011. Selon les ententes entre les anciens belligérants, la population d'Abyei devra alors décider si la région sera rattachée au Nord ou au Sud-Soudan. Le même jour, la population du Sud-Soudan choisira si elle désire créer un État indépendant.

Q Quel est l'impact de la décision sur les populations civiles?

R C'est en quelque sorte la grande inconnue de cette décision. La région abrite plus de 50 tribus. Certains nomades arabes craignent que la redéfinition de la frontière leur nuise en coupant leur accès à d'importantes terres de pâturage.

Q Pourquoi la région d'Abyei revêt-elle une telle importance pour les deux groupes?

R Premièrement, cette région compte plus de 60% des ressources pétrolières soudanaises. Cependant, selon Fabienne Hara, de l'International Crisis Group, le pétrole n'explique pas tout. «La question d'Abyei cristallise d'autres problèmes qui existent entre le nord et le sud du pays», expose l'experte de la question soudanaise. Chevauchant les deux parties du Soudan, on y trouve à la fois des Arabes du nord du pays, principalement musulmans, et des Africains du Sud, chrétiens ou animistes. L'ascendant des Arabes du Nord sur la population du Sud a été à la base du conflit soudanais, et cette région ne fait pas exception à la règle. Cette guerre civile, la plus longue que l'Afrique ait connue, a fait plus d'un million de morts. Par ailleurs, l'an dernier, l'Abyei a été le théâtre d'importantes violences. À la suite des affrontements, qui ont fait plus de 100 morts, le gouvernement de Khartoum et le SPLM ont décidé de s'adresser à la Cour permanente d'arbitrage de La Haye.